La Fondation Nicolas Hulot et le think tank The Shift Project proposent de mobiliser massivement l’assurance vie en faveur de la Transition énergétique et écologique (TEE). Un groupe de députés a déposé un amendement au Projet de loi de finances 2020 en ce sens :
- cet amendement permet la création d’un nouveau type de contrat d’assurance vie favorable à la transition énergétique ;
- il créé le cadre d’un investissement de long terme en faveur de la transition énergétique et écologique, pour mobiliser l’épargne en assurance vie des ménages, en stimulant la concurrence et la créativité entre les acteurs, à coût nul pour les finances publiques.
[EDIT 28/11/2019 : un amendement similaire a été déposé par un groupe de sénateurs]
Dans cette note, la FNH et le Shift appellent les député.e.s à soutenir ce nouvel amendement, et appellent l’État à faire sa part en prenant également un engagement dit « hors bilan » (c’est-à-dire sans coût budgétaire immédiat).
Un amendement similaire avait déjà été déposé le 25 janvier 2019 par un groupe de sénateurs dans le cadre de la Loi PACTE.
En janvier dernier également, Alain Grandjean (économiste, président de la FNH), Gaël Giraud (économiste en chef de l’AFD) et Michel Lepetit (pilote d’IN GLOBO et Vice-Président du Shift) publiaient une tribune dans Le Monde : « Grand débat : Réorienter l’épargne vers l’investissement réellement écologique et socialement responsable » (30.01.2019).
Pour le climat : agir en cohérence, agir vite et fort
Pour la France, le déficit de financement de la transition énergétique et écologique (hors retard accumulé) est évalué entre 25 et 40 milliards d’euros par an[1], alors même que l’Accord de Paris[2] a invité les États à réorienter massivement les flux financiers vers la Transition énergétique et écologique (TEE).
Face à cet effort d’investissement, l’indispensable mobilisation des fonds publics[3] doit être accompagnée de la mobilisation rapide de l’épargne privée pour financer la Transition énergétique et écologique.
Un contexte propice à l’action
L’initiative « France Transition »[4] associant fonds publics et investissements privés va dans le bon sens. Les avancées récentes obtenues par le ministère des Finances et les deux chambres parlementaires sur l’assurance vie dans le cadre de la loi PACTE sont précieuses (Unités de Comptes – UC labellisées ; transférabilité) mais elles risquent de s’avérer inopérantes dans un contexte d’incertitude grandissante sur les marchés financiers et de frilosité paralysante des épargnants.
- Définition de « Unités de Compte » à l’usage du lecteur : les UC sont des supports d’investissement qui permettent d’investir l’épargne sur des supports financiers très variés, comme des actions, des obligations ou des fonds de placement. Par rapport aux fonds euros, ils sont plus rentables à long terme, mais un peu plus risqués.
Paradoxalement, les taux d’intérêts semblent être durablement devenus négatifs (« Lower forever »). S’ils font chuter les taux d’actualisation des projets, ils semblent ne catalyser en rien l’orientation de l’épargne vers la Transition énergétique et écologique, malgré la « recherche de sens », la préoccupation environnementale, que mentionnent volontiers les épargnants[5]. Sur la longue durée, l’aversion pour le risque et la recherche de sécurité chez les Français orientent irrémédiablement l’épargne vers les fonds généraux d’assurance vie. Autre conséquence de la nouvelle courbe des taux, la tentative de créer une épargne longue moins liquide (contrat « eurocroissance ») apparaît très fragilisée.
Le risque collectif de ne pas investir est autrement plus grave que le risque individuel d’investir
Pourtant, il est vital d’investir dans la TEE et d’investir à long terme. Or, en l’absence de signal prix carbone[6] ou de hausse des prix des énergies fossiles, il faudrait une prise de risque bien plus conséquente pour que les investissements se réalisent. Pourtant, le risque collectif de ne pas investir est autrement plus grave que risque individuel d’investir, que ne prennent pas aujourd’hui les épargnants.
Face à cette menace d’un sous-investissement dans la Transition énergétique et écologique, la mobilisation des responsables politiques et de toutes les parties prenantes est cruciale, et peut se faire au service des épargnants et être porteur d’espoir.
Mobiliser pour le climat, chaque année, 10 des 1200 milliards d’euros de l’assurance vie individuelle française
Un groupe d’experts des domaines de la finance et du climat soutenus par la Fondation Nicolas Hulot et le think tank The Shift Project proposent une réforme de l’épargne française visant à orienter massivement vers la TEE une partie des 1200 milliards d’euros de l’assurance vie individuelle. Cette épargne est détenue par un ménage sur trois et bénéficie d’une bonne image.
La réforme proposée permettra de réorienter 10 milliards d’euros d’épargne vers la TEE chaque année. Sollicitant le « hors bilan » de l’État, le programme IN GLOBO de l’année à venir devra impérativement être voté en PLF[1] chaque automne.
La proposition : un nouveau contrat d’assurance vie
En s’appuyant sur les avancées de la Loi PACTE (Unités de Compte – UC labellisées ; transférabilité), sans remettre en cause l’assurance vie (sur le modèle du PFU – Prélèvement forfaitaire unique), sur les bases d’un partenariat public/privé exemplaire à bâtir entre l’État, l’industrie financière française, et les entrepreneurs de la TEE, la réforme présentera les caractéristiques suivantes[2] :
- un nouveau contrat (dit IN GLOBO) illiquide pendant une durée de 10 ans réhabilitant l’investissement « patient ». Cette illiquidité favorisera le financement du private equity de type « green tech »[3] (cf Loi Macron) ; et celui des infrastructures ; voire de la R&D ;
- un contrat à forte proportion d’UC orientées vers la TEE en catalysant l’existence des labels d’Etat ; par ex. : au minimum X% (labels ISR ou GREENFIN) et au minimum Y% GREENFIN[4] ; des arbitrages seront possibles au sein du contrat tant que l’épargnant respectera les contraintes de sa génération de contrats IN GLOBO ;
- un contrat alimenté par un versement unique ; mais bien mieux par le transfert – dorénavant autorisé – d’un contrat existant dans la même compagnie sans perte d’antériorité fiscale ;
- un contrat dont le capital initial est garanti à 100 % par l’État à l’échéance de 10 ans ;
- un contrat autorisant une avance (crédit) pendant toute la durée de la garantie ;
- un contrat qui incite à poursuivre cette allocation en faveur de la TEE au-delà des 10 ans dans une optique successorale, transgénérationnelle.
La vocation des contrats d’assurance vie est d’assurer les conditions d’existence des générations à venir, en transmettant d’abord une planète habitable
Dans le PLF 2020, le financement de l’adaptation au changement climatique pourra faire prochainement[11] l’objet d’un engagement hors-bilan de l’État.
En se référant à la distinction consacrée du risque climat entre (1) le risque physique (l’impact du changement climatique) et (2) le risque de transition (l’impérative transformation de notre société vers une société bas carbone), on peut rappeler que le risque physique est l’objet même du système d’assurance CATNAT (CATastrophes NATurelles) mutualisé à l’échelle du pays : c’est bien un engagement hors bilan de l’État qui est en réalité illimité[12].
Il n’existe pas d’équivalent global[13] pour le risque de transition. La vocation des contrats d’assurance vie est d’assurer les conditions d’existence des générations à venir, en transmettant d’abord une planète habitable.
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[1] Evaluation du think tank I4CE, en référence à la Stratégie nationale bas carbone. Le montant actuel de l’investissement en faveur du climat en France est évalué à 32 milliards d’euros par an.
[2] « Article 2 : Le présent Accord (…) vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté, notamment en : (…) c) Rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques. »
[3] Voir pour autant le débat actuel sur la mobilisation de la dette publique en faveur du climat en Allemagne.
[4] https://financefortomorrow.com/actualites/le-gouvernement-annonce-la-creation-de-france-transition-ecologique/
[5] Et, comme le disent très justement MM. Klein et Lombard dans une récente tribune (Les Echos – octobre 2019), les taux bas semblent orienter indistinctement vers une « (…) forme de placements de plus en plus longs, de plus en plus illiquides, comprenant des risques de crédit de plus en plus élevés » : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/la-crise-financiere-qui-vient-1137201
[6] Voir notamment le marché du carbone pour les grands émetteurs qui dysfonctionne depuis sa mise en place en 2005
[7] Cette garantie est régie par la Loi organique du 1er août 2001 en son Article 34 (alinéa II.5°) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000394028
[8] Voir le projet d’amendement déposé le 9 novembre 2019 dans le cadre du PLF 2020 : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2272C/AN/3021.pdf
[9] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/greentech-verte
[10] Les seuils ont été initialement proposés à 50% (ISR+GREENFIN) et 25% (GREENFIN) dans le projet d’amendement déposé dans le cadre de PACTE. Ils sont de 75% (ISR+GREENFIN) et 50% (GREENFIN) dans le projet d’amendement déposé dans le cadre du PLF 2020. Ces paramètres ont vocation à devenir de plus en plus exigeants, à chaque nouvelle génération de contrats IN GLOBO. Par ailleurs, même les investissements hors label de la première génération de contrats IN GLOBO pourraient être soumis à des contraintes (sectorielles ; géographiques etc.), dans le décret d’application de la loi au premier semestre 2020.
[11] Projet de loi de finance 2020 – Article 69 : Octroi de la garantie de l’État au titre de prêts de l’Agence française de développement (AFD) au Fonds vert pour le climat (FVC) : 310 M€
[12] D’où l’absence de « TOTAL » dans les tableaux de synthèse des principaux engagements hors bilan de l’Etat
[13] Les engagements pris par l’État dans le cadre de sa politique de soutien aux énergies renouvelables électriques et à la cogénération sont mentionnés en hors bilan depuis 2018 (106 Mds€ en 2018). Ils reflètent certaines incohérences de la politique passée en matière de production d’électricité bas carbone en France. Compte général de l’Etat 2018 – page 199 : 31.2 SERVICE PUBLIC DE L’ENERGIE