Mieux insérer les énergies renouvelables
et soutenir une filière industrielle française d’excellence
The Shift Project a engagé un travail sur l’équilibre offre-demande dans le domaine de l’électricité et a publié un livre blanc en mars 2015. La restitution des 7 propositions du Shift a eu lieu aux Ateliers du Shift le 12 mars 2015 à Paris.
Mieux consommer l’électricité pour limiter les émissions de gaz à effet de serre : voici un enjeu important de la Transition Énergétique.
Le développement d’énergies renouvelables photovoltaïques et éoliennes augmente la variabilité et les incertitudes sur l’équilibre du système électrique. Pour faire face à ces aléas, le système électrique aura besoin de davantage de flexibilités. Les flexibilités décarbonées (hydrauliques surtout) étant déjà pleinement utilisées, on doit faire appel à des flexibilités de production (charbon, fuel, gaz), fortement émettrices de CO2 , pour répondre aux besoins.
Or la consommation peut elle aussi être rendue flexible, notamment dans le secteur résidentiel, sans émission supplémentaire de CO2. C’est pour cette raison que The Shift Project s’est intéressé à cette question : comment rendre plus flexibles les consommations, pour mieux insérer les énergies renouvelables intermittentes ?
Après consultation d’une large représentation d’acteurs industriels, institutionnels et de la société civile, The Shift Project fait des recommandations en nombre réduit, peu consommatrices d’argent public, et visant à orienter concrètement l’action des consommateurs et des industriels du secteur de l’électricité.
AXE 0 : VERS UN SIGNAL DE PRIX DU CO2 PLUS FORT
La valeur économique du CO2 est un signal déterminant pour des investissements sur les technologies peu émettrices de CO2.
PROPOSITION N°1 : Renforcer le signal prix du CO2 augmentera la part des flexibilités sur la consommation faiblement émettrices de CO2. Ce signal prix doit être conséquent et durable.
AXE 1 : VERS UNE REGLEMENTATION THERMIQUE INCITANT LES EQUIPEMENTS ÉLECTRIQUES FLEXIBLES
A l’heure où les États se donnent des objectifs de développement des énergies renouvelables, de déploiement de comptage communicant, et de technologies Smart Grid – notamment pour permettre la gestion active de la demande et favoriser l’insertion des productions éoliennes et photovoltaïques dans le système électrique – les usages électriques flexibles sont essentiels.
Exemple emblématique : la réintroduction du chauffage électrique à accumulation (qui avait été interdit par la loi) en Allemagne par le Bundestag en mai 2013, au motif qu’il participe à la capacité de stockage du pays pour gérer la production intermittente éolienne et photovoltaïque.
En France, le pilotage des ballons d’eau chaude sanitaire permet déjà d’économiser annuellement l’équivalent des émissions de CO2 de plus de 300 000 automobiles ! Les industriels Français développent de nouvelles technologies d’usages électriques performants, flexibles et ne participant pas à la pointe. Le chauffage électrique à micro-accumulation par exemple.
La France a donc l’opportunité de dynamiser une filière industrielle d’excellence produisant des équipements électriques de qualité, pouvant se développer à l’export, si les conditions sur son marché national sont bien réunies.
Or, la réglementation thermique menace le développement de ces usages électriques performants en France. Il faut donc redonner une cohérence aux réglementations : les réglementations de l’efficacité énergétique doivent prendre en compte dans leurs critères la dimension flexibilité, bénéfique pour insérer les productions éoliennes et photovoltaïques et limiter les émissions de CO2.
PROPOSITION N°2 : Mettre la Réglementation Thermique du bâtiment (RT) plus en cohérence avec les objectifs de la transition énergétique, pour mieux insérer les productions éoliennes et photo-voltaïques et dynamiser une filière industrielle d’excellence :
- Centrer les exigences de la RT sur les quantités d’émissions de CO2.
- Introduire des exigences sur la performance du bâti, indépendamment de l’énergie utilisée.
- Valoriser la flexibilité des usages.
VERS UN LABEL « SMART GRID READY »
Les nouvelles technologies, et notamment les nouveaux compteurs communicants Linky, rendront techniquement accessibles de nouveaux gisements de flexibilité. Cependant, la diversité des installations et des protocoles de communication entre les appareils conduit à des coûts de pilotabilité et à une complexité tous deux rédhibitoires pour un déploiement généralisé. Aussi, il faut avoir pour objectif de faciliter pour les consommateurs, la mise en oeuvre de flexibilités utiles au système électrique, tout en tenant compte de leurs besoins propres. Cela passera par une simplification et une standardisation des interfaces techniques.
PROPOSITION N°3 : Créer un label « Smart Grid Ready » permettant, grâce à un niveau minimum de standardisation, de simplifier l’introduction des nouvelles technologies. C’est une condition nécessaire au déploiement massif de solutions réagissant aux signaux du système électrique, tout en maîtrisant les factures et le confort du consommateur.
VERS DES SIGNAUX DE FLEXIBILITE SIMPLES ET INCITATIFS
Un signal de prix très simple Heures Pleines / Heures Creuses, auquel les Ballons d’Eau Chaude électrique sont asservis, permet aujourd’hui de réduire de 5% la pointe quotidienne de consommation tous les jours de l’année, et d’économiser l’équivalent des émissions de CO2 de plus de 300 000 automobiles !
Demain, les compteurs communicants permettront d’envoyer des signaux plus fin et plus dynamiques, rendant ce type de flexibilité encore plus efficace.
PROPOSITION N°4 : Développer, pour la clientèle résidentielle, les flexibilités générées par la modulation des prix de l’électricité. Cette solution, déjà éprouvée, sera démultipliée grâce au déploiement de Linky, tout en restant très simple pour les clients.
- Contrairement à une idée reçue, les flexibilités de consommations, et notamment les effacements, apportent davantage de gains en terme d’investissement de production évité qu’en économies d’énergie. Ces flexibilités peuvent aussi éviter de sur-dimensionner le réseau électrique. Or, depuis l’ouverture des marchés de l’électricité, cette partie « capacité » (de production ou d’effacement) est peu rémunérée, et les capacités d’effacement dans le résidentiel ont stagné. Pour redynamiser les flexibilités de consommation, il est donc essentiel de redonner aux effacements leur valeur en termes d’investissements évités.
PROPOSITION N°5 : Mettre en place une valorisation stable dans la durée des capacités de flexibilité, et notamment des capacités d’effacements.
- Ce doit être l’un des objectifs du mécanisme de capacité mis en place par RTE. Si tel n’est pas est le cas, il conviendra de l’améliorer.
- Les effacements déclenchés par des signaux de prix véhiculés par les compteurs communicants devraient bénéficier des mêmes incitations (rémunération via le mécanisme de capacité et prime Brottes) que les effacements déclenchés par box d’opérateurs d’effacements.
- Lorsque l’on cherche à développer les effacements, les utiliser de façon non concertée pour gérer localement des contraintes réseaux d’une part et pour gérer l’équilibre offre-demande d’autre part, va les rendre peu lisibles pour le consommateur.
PROPOSITION N°6 : Introduire un signal de pointe mobile dans les tarifs réseaux, afin de maximiser la rémunération des effacements pour les consommateurs. Avec :
- Un signal de pointe mobile unique réseau et énergie, pour cumuler les valeurs réseaux et énergies.
- Un signal proposé sur tout le territoire, pour respecter les principes de péréquation des tarifs réseaux.
- Une pointe mobile activée soit sur des critères de consommation nationale, soit sur des critères réseau local, selon sa valeur pour le système électrique dans son ensemble.
- Cette proposition présente les bénéfices d’être simple pour les consommateurs et de permettre aux acteurs de marché de concurrencer les tarifs à effacement.
VERS PLUS DE PÉDAGOGIE ET D’ADHÉSION DES CONSOMMATEURS
Faire de la pédagogie et donner du sens à ces flexibilités sera indispensable, afin de faire adhérer les citoyens à des actions qui accompagnent la transition énergétique, au-delà de la seule incitation financière ou réglementaire.
Le déploiement de Linky est une opportunité unique pour initier une telle adhésion plutôt que de l’indifférence voire du rejet.
PROPOSITION N°7 : Profiter du déploiement de Linky pour sensibiliser les consommateurs à la maîtrise de la consommation et à la gestion active de la demande. Cette sensibilisation devra toucher le grand public et impliquer les professionnels du bâtiment et des équipements.
- Les consommateurs doivent faire l’objet de campagnes de sensibilisations dans les médias généralistes, à l’identique de ce qui avait été fait sur le thème des économies d’énergie, ou du tri des déchets.
- Les professionnels du bâtiment, du chauffage/climatisation, ainsi que les électriciens, doivent trouver dans leur formation professionnelle les éléments permettant d’appréhender les enjeux et les intérêts de chaque solution technologique ainsi que les principales techniques de mise en oeuvre. Ils pourront conseiller les utilisateurs particuliers sur l’ensemble des solutions proposées par les constructeurs.
Ces travaux se sont déroulés entre janvier 2014 et mars 2015. Ils sont le fruit d’une réflexion collective, et de la consultation d’une large représentation d’acteurs industriels, institutionnels et de la société civile. L’élaboration de ces propositions a été coordonnée par Alexandre Barré, avec l’appui des équipes du Shift Project. Jean-Marc Jancovici (Président du Shift Project) et Cédric Ringenbach (Directeur du Shift Project) ont été étroitement associés à ces travaux. Le livre blanc a été publié en mars 2015.
Le Chef de Projet a présenté les 7 propositions lors des Ateliers du Shift du 12 mars 2015 :
Chef de Projet
Alexandre Barré
alexandre.barre(a)theshiftproject.org