Au regard de ses conséquences potentielles et des engagements internationaux pris par la France, le gouvernement a fait de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité nationale. The Shift Project souhaite rendre encore plus concret et opérationnel cet engagement en intégrant ce combat dans la définition des missions des différentes agences de l’État, à commencer par l’Office français de la biodiversité, qui doit rassembler l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Pourquoi articuler la biodiversité avec les enjeux du climat ?
Dans le cadre du projet de loi portant création de l’Office Français de la biodiversité, actuellement discuté au Sénat, The Shift Project a tenu à rappeler les liens étroits qui existent entre le climat et la biodiversité. Il souhaite ainsi que l’Office français de la biodiversité (OFB) tienne compte du dérèglement climatique dans ses actions en faveur de la biodiversité, en intégrant dans ses fondamentaux un objectif de coordination des politiques biodiversité avec les politiques climatiques. Ainsi, l’OFB remplirait ses missions « en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique ».
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- EDIT : la Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 décrit les missions de l’OFB comme suit : « L’Office français de la biodiversité contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique. »
La biodiversité et le climat sont intimement liés…
Les bouleversements climatiques constituent une des causes profondes de la perte dramatique de biodiversité actuellement observée. Les écosystèmes font face à un environnement changeant si rapidement que certains organismes vivants ne peuvent s’adapter. Par exemple, l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes (inondations, vagues de chaleur, tempêtes, etc.), l’évolution des régimes hydriques locaux ou encore la modification de l’acidité ou de la salinité des milieux marins perturbent les grands équilibres écologiques. Ces perturbations entrainent de nombreux phénomènes : migration des espèces, appauvrissement du réseau trophique, espèces végétales et animales menacées d’extinction…
Mais la dégradation de la biodiversité, à son tour, accroît elle aussi le réchauffement climatique. Entre autres, l’effondrement du phytoplancton menace le réservoir de captation de CO2 que constituent les océans, ainsi que leur oxygénation. Ou bien encore, la déforestation réduit le stockage du CO2 par les écosystèmes naturels (capacité qui leur vaut l’appellation de « puits de carbone » naturels). La déforestation induit une baisse des rejets de vapeur d’eau des forêts, qui influe à son tour à la baisse sur la présence de précipitations dans les terres, ce qui vient encore renforcer la modification des régimes hydriques déjà en cours pour des raisons climatiques et réduire la capacité d’adaptation aux effets du changement climatique.
Il est ainsi juste de penser que traiter la biodiversité sans la mettre directement en relation avec la question climatique serait a minima traiter un symptôme sans remonter à l’une de ses causes principales.
…en pratique, pour les acteurs des territoires
La problématique du climat est de plus en plus prégnante dans les domaines d’action attribués au futur Office français de la biodiversité, par exemple pour les acteurs de l’eau. Aussi la nécessité de coordonner les politiques publiques de préservation de la biodiversité, de l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation du changement climatique devient-elle de plus en plus manifeste. L’objectif de neutralité carbone, qui implique le développement de « puits de carbone » (pour absorber du CO2 afin de compenser, à terme, les émissions anthropiques les plus difficiles à éviter), rend encore plus nécessaire cette coordination.
En témoigne par exemple le besoin, exprimé au quotidien par les acteurs du monde agricole, de penser les politiques de l’eau en lien étroit avec celles d’adaptation au changement climatique, et ceci dans un contexte où les activités agricoles sont elles-mêmes appelées à participer à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La biodiversité et le climat sont intimement liés, en pratique. Lorsque la préservation de l’un entre en conflit avec la préservation de l’autre, les conséquences sont contreproductives et économiquement inefficaces.
Comme l’a rappelé le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy dans sa réponse à l’« Affaire du siècle », certains opposants à la transition écologique s’appuient abusivement sur l’argument de la protection de la biodiversité pour retarder ou bloquer des travaux sur des infrastructures nécessaires à la transition écologique (aménagements ferroviaires ou fluviaux pour le transport, projets d’énergie renouvelable, etc.). Cette stratégie de blocage est rendue plus facile par le manque de coordination actuel entre le traitement des questions climatiques et celui de la protection de la biodiversité dans les services de l’État.
La lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité sont deux manières de contribuer à la préservation des conditions de vie sur Terre
La lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité sont deux manières de contribuer à la préservation des conditions de vie sur Terre : une problématique aux enjeux complexes, et qui doit être traitée dans sa globalité. Ce n’est qu’à cette condition que des réponses efficaces à long terme pourront être concrètement apportées à la bonne échelle, et que sera permise l’adhésion pleine et entière des citoyens.
En proposant au futur Office français de la biodiversité d’adopter une vision de la biodiversité articulée dès le départ avec les enjeux du climat, The Shift Project souhaite permettre un traitement efficace et au plus près des équipes de ces questions si importantes, sans renoncer à la mitigation d’aucune des deux menaces majeures que nous connaissons : le dérèglement climatique et la perte de biodiversité.