The Shift Project soutient activement la proposition d’amendement à la loi PACTE visant à permettre la création d’un nouveau type de contrat d’assurance vie favorable à la transition énergétique. Il s’agit de créer le cadre d’un investissement de long terme en faveur de la transition énergétique et écologique, pour mobiliser l’épargne en assurance vie des ménages, en stimulant la concurrence et la créativité entre les acteurs, à coût nul pour les finances publiques.
[EDIT : Le Sénat a rejeté en séance, le 31/01/2019, la proposition d’amendement à la loi PACTE – le rapporteur s’étant montré sceptique et le Ministre Bruno Le Maire s’étant opposé à l’amendement. The Shift Project félicite les signataires de l’amendement, notamment les sénateurs V. Delahaye et M. Canevet, et continuera de se mobiliser en faveur d’une telle évolution.]
Défense de l’amendement 426, Art 21, Loi PACTE en séance au sénat
Interventions dans l’ordre : le Sénateur V. Delahaye, le rapporteur de la Commission spéciale sur la loi PACTE, le Ministre de l’Economie et des Finances, le Sénateur V. Delahaye, Votes
Les besoins de financement supplémentaires en faveur du climat et de la transition énergétique sont évalués, pour la France, à près de 40 milliards d’euros par an pour éviter de basculer dans l’inconnu climatique. Pourtant, l’environnement financier et les récentes évolutions réglementaires européennes ou françaises de l’assurance vie créent peu d’incitation à accroître la prise de risque à long terme pour le financement de la transition énergétique et écologique, tant pour les contrats en euros qu’en unités de compte.
Or, si l’assurance vie est un outil essentiel de transmission du patrimoine intergénérationnel, bénéficiant à ce titre d’avantages fiscaux, elle constitue aussi un levier important du financement à très long terme de projets permettant d’accélérer la transition de notre économie pour le bien des générations futures. Comme le rappelle le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son avis du 25 janvier 2019, l’épargne gagnerait à être « réorientée vers des investissements socialement responsables de long terme ».
Documents de référence :
- Résumé aux décideurs du projet « In Globo » ;
- Amendement à l’article 21 de la loi PACTE déposé par une trentaine de sénateurs le 25 janvier 2019 ;
- Le Monde, 30.01.2019 | « Grand débat : Réorienter l’épargne vers l’investissement réellement écologique et socialement responsable », par Michel Lepetit (VP du Shift), Gaël Giraud (économiste en chef de l’AFD) et Alain Grandjean (économiste, président de la Fondation Nicolas Hulot).
Pour une assurance vie du 21ème siècle
L’assurance vie est le principal produit d’épargne des ménages français. En 2019, leurs encours d’épargne en assurance vie s’élèvent à près de 1700 milliards d’euros. L’assurance vie représente le principal actif financier des Français, devant les détentions de titres et les dépôts bancaires. 14 millions de ménages sont détenteurs d’assurance vie. Cette épargne à long terme, qui constitue souvent leur complément de retraite, représente plus de 40% de leur patrimoine financier brut.
S’il existe une petite centaine de compagnies vie, le secteur est concentré et seule une douzaine de compagnies vie couvrent les trois quarts du marché. Pour des raisons historiques, le secteur est assez peu concurrentiel et peine à se mobiliser efficacement face au défi du changement climatique, notamment par manque d’investissement dans la recherche.
Par ailleurs, les contraintes réglementaires qui pèsent sur les compagnies vie, pénalisant l’investissement de long terme en actions des fonds confiés par les épargnants, et le niveau de rentabilité dégagé par l’assurance vie dans sa forme actuelle, n’incitent pas les compagnies à être innovantes et à flécher l’épargne vers les besoins réels. Bien au contraire, les stratégies en place concourent davantage à protéger les stocks d’épargne constitués en limitant leur mobilité.
La non-transférabilité des contrats d’assurance vie individuelle entre compagnies entretient cette inertie, avec la baisse tendancielle des taux d’intérêt et leur niveau déjà vertigineusement bas.
Pourtant, en matière de climat, depuis l’exercice 2016, les sociétés françaises d’assurance vie sont désormais tenues d’expliciter chaque année comment elles prennent en compte leur exposition aux risques climatiques – selon les termes de l’article 173 de la Loi relative à la transition énergétique adoptée en 2015. Les compagnies d’assurance vie sont ainsi invitées à décrire publiquement leur contribution à la transition énergétique et écologique, et à la lutte contre le réchauffement climatique dans ces Rapports 173.
L’Observatoire 173 Climat Assurance Vie du Shift a analysé ces Rapports 173 une première fois en 2017 puis une seconde fois en 2018, avec un focus sur les politiques charbon des compagnies. S’il existe des leaders parmi les douze plus grandes compagnies dont les Rapports 173 ont été analysés, l’ensemble est décevant, sa dynamique faible, et tout cela traduit la modestie des moyens mis en œuvre globalement par le secteur sur le sujet.
Le changement climatique étant l’un des principaux défis du 21ème siècle, une assurance vie qui se veut moderne et qui concentre une large part de l’épargne longue de nos concitoyens se doit de contribuer à l’effort collectif pour y faire face.
Et les Français l’ont bien compris : 63 % des épargnants français accordent une place importante ou très importante aux impacts environnementaux et sociaux de leurs placements [1]. Or aujourd’hui, seuls 5 % de l’encours en Unités de Compte (UC) est géré selon des critères affichés comme relevant de l’ISR (Investissement socialement responsable), et 1,9 % dispose d’un label reconnu (ISR, TEEC, Finansol, etc.) [2].
L’urgence climatique, les attentes des épargnants et la volonté des pouvoirs publics de se mobiliser et de mobiliser sans attendre tous les acteurs en faveur de la résolution de ce défi du 21ème siècle, concourent à faire évoluer le cadre de l’assurance vie.
The Shift Project soutient une réforme de l’assurance vie fondamentalement orientée vers la transition énergétique & écologique, investie sur le long terme et sécurisée.
Pour une assurance vie fléchée vers l’ISR et le climat
Répondre à ce défi, c’est ce à quoi souhaite contribuer le projet « In Globo » [3], soutenu par The Shift Project. Nous proposons la création d’un produit d’assurance vie fortement marqué ISR & Climat s’appuyant sur les labels publics existants depuis 2016 tels que TEEC (label Transition énergétique et écologique pour le climat, du ministère de la Transition écologique et solidaire ; 4,3 milliards d’euros d’encours) et ISR (label Investissement socialement responsable, du ministère de l’Économie et des Finances ; 47 milliards d’euros d’encours).
Ce produit bénéficiera de la possibilité de transférer l’antériorité fiscale d’un ancien contrat d’assurance vie sous conditions, pour stimuler la concurrence entre acteurs du marché, et donc leur créativité pour offrir des contrats « In Globo » vraiment attractifs. Conformément aux engagements de notre pays, l’objectif est d’accompagner et de favoriser la mobilisation de l’épargne privée française sur la transition ISR & Climat, à coût nul pour les finances publiques.
The Shift Project s’appuie sur un travail collectif auquel participe Michel Lepetit (vice-président du Shift), et qui bénéficie de l’interdisciplinarité de spécialistes des questions d’épargne, d’assurance vie, de régulation financière, de macroéconomie, d’ingénierie financière et d’enjeux énergie & climat : le projet « In Globo ».
La réforme imaginée, ambitieuse et innovante, permet de mobiliser efficacement les importantes réserves de l’épargne financière des Français. Cette réforme propose une nouvelle forme de contrat d’assurance vie. Elle intègre des propositions d’aménagement de l’article 173 de la loi de transition énergétique pour les compagnies d’assurance vie volontaires. Elle définit le cadre du pilotage de cette mobilisation de l’épargne par la puissance publique et le parlement.
Une nécessaire évolution législative, pour créer le produit
La réforme propose que les compagnies d’assurance vie pourront choisir de distribuer – ou non – des contrats dits « In Globo ». Elle prévoit que les épargnants pourront rester – ou non – chez leur assureur actuel pour bénéficier d’un contrat « In Globo ». La création de ce nouveau produit d’assurance vie individuelle fortement marqué ISR & Climat passe par une évolution législative.
Le nouveau contrat dit « In Globo »
Le nouveau type de contrat « In Globo » proposé est caractérisé par un versement initial unique. C’est un contrat de long terme, sans possibilité de retrait pendant 8 ans, et orienté vers les labels TEEC et ISR. Ainsi, au versement initial, il doit contenir un minimum de 50% de label TEEC et ISR, avec un plancher à 25% minimum pour le label TEEC. A chaque arbitrage (ou réallocation) effectué durant la période de 8 ans, ce ratio doit être respecté. Après le premier versement, aucun nouveau versement ne sera possible pendant 8 ans.
La transférabilité des contrats
Beaucoup d’épargnants ont des contrats d’assurance-vie bloqués dans une compagnie vie donnée. En changer signifierait perdre les avantages fiscaux accumulés (réduction de l’impôt après 8 ans de détention ; régime successoral favorable pour les versements effectués avant 70 ans) et les amènerait à payer des impôts alors qu’ils souhaitent seulement pouvoir choisir l’offre d’une compagnie vie de meilleure qualité.
Les contrats existants d’assurance vie deviennent, sauf pour quelques catégories de contrats minoritaires [4], transférables à une autre compagnie d’assurance vie sans perte d’antériorité fiscale, à la condition que le contrat destinataire soit un contrat dit « In Globo ». Rappelons que les intérêts et plus-values constatés lors d’un retrait d’un contrat d’assurance vie sont soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, et que le taux de prélèvement est aujourd’hui dégressif dans le temps.
Ce transfert est réalisable sans opposition possible de l’assureur de départ. Les conditions et les prix seront encadrés de manière à ce que la concurrence se fasse de manière saine et profitable pour tous, comme pour quasiment tous les autres produits d’épargne des Français.
La transférabilité stimulera la concurrence entre les compagnies vie et catalysera la créativité des acteurs, notamment les sociétés françaises de gestion d’actifs. Etant donnés les encours d’assurance vie actuels (1700 milliards d’euros), les flux naturels sur ce stock d’épargne, et les ambitions du projet « In Globo » qui vise un volume de l’ordre de 10 Mds d’euro par an, cette transférabilité est sans risque pour les grands équilibres de notre système financier.
L’État au service de l’économie réelle
Cette réforme présentée actuellement au Sénat serait renforcée par la garantie publique des nouveaux contrats « In Globo », qui viendrait garantir au terme de la période d’indisponibilité le capital investi initialement par chaque épargnant dans l’un de ces contrats, de manière à encourager l’investissement de long terme dans la transition écologique.
Cette réforme prépare et anticipe ainsi la mise en œuvre par l’État d’un engagement de performance in fine des contrats « In Globo », engagement de nature à rassurer les épargnants, en alignant les intérêts du pays avec les choix d’épargne des Français. Cet engagement (hors bilan) de l’État serait mis en œuvre à l’initiative du gouvernement par la loi de finances 2020, puis chaque année, et son montant approuvé par le Parlement serait réparti entre assureurs vie selon des règles précisées par décret.
Il faut souligner que la garantie publique est un engagement dit « hors bilan », c’est-à-dire sans coût budgétaire immédiat puisqu’il ne s’agit pas de dette supplémentaire pour l’État, mais d’un éventuel coût in fine, aléatoire et limité.
On présente souvent le risque climat comme étant composé du « risque physique » (les conséquences physiques du changement climatique, de plus en plus évidentes) ; et du « risque de transition » (les conséquences de l’impérieuse nécessité d’une évolution socio-économique à marche forcée de nos sociétés vers le bas carbone, pour éviter de basculer en terra incognita en matière de climat). On peut dire que le « risque physique » est déjà en partie assumé par l’État via le mécanisme de l’assurance des catastrophes naturelles : c’est un engagement hors bilan pour l’État, illimité, qui sera d’évidence à coûts croissants. Avec « In Globo », l’État assumera également une partie du « risque de transition », via l’épargne à long terme garantie in fine. Il s’agit d’un engagement hors bilan pour l’État, limité, voire à coût nul à terme.
Pour stimuler la souscription de ce type de contrat « In Globo », pour inciter les compagnies d’assurance vie à en faire la promotion au service de l’intérêt général, et pour encourager les assurés à accepter un niveau de risque supérieur (investir dans la transition sous forme d’actions ; sous forme de financements d’infrastructures ; de financements de projets etc.) malgré une moindre liquidité (conséquence de la durée d’indisponibilité de l’épargne), il est ainsi proposé que l’État se porte garant à terme du capital investi, à hauteur de 100 % du capital.
Financer vraiment l’économie, au service des choix stratégiques de la Nation
Cette réforme de l’assurance vie individuelle améliore grandement le chantier du financement de l’économie (en cours dans la loi PACTE). Elle diversifie en effet les financements des entreprises, en facilitant le financement de l’innovation de rupture, en favorisant la mobilisation de moyens financiers adaptés aux défis actuels et futurs de la transition énergétique et écologique.
Cette réforme se place sous le contrôle de la capacité de l’État à réguler, de sa capacité à garantir, et enfin de son intelligence à orienter via des labels dont il a la gouvernance, la qualité et l’utilité des investissements de long terme. Cette réforme vise à mieux utiliser la première source d’épargne financière des ménages au service des choix stratégiques de la Nation.
Ambitieuse et structurelle, cette réforme permet de mobiliser définitivement tous les acteurs concernés (régulateurs, compagnies d’assurance vie, réseaux distributeurs, sociétés de gestion, ministères labellisateurs, et assurés) sur l’importance des enjeux de la transition énergétique et écologique.
Cinq leviers : quatre dans la Loi PACTE, un dans la Loi de Finances 2020
Cette réorientation de l’assurance vie favorable aux investissements de long terme dans la transition énergétique, écologique et socialement responsable passe par cinq leviers, dont les quatre premiers sont présents dans le texte d’amendement inspiré du projet « In Globo » proposé au vote du Sénat :
- la volonté de l’État d’avoir un réel impact par la mobilisation de l’épargne des Français, au-delà des seuls forces et signaux des marchés financiers et de leur court-termisme, le contrôle de l’impact des investissements de cette épargne s’appuyant sur le pouvoir de labellisation de l’État. Les actuels labels TEEC et ISR sont appelés à évoluer et à permettre de mieux relever les défis de la transition bas carbone ;
- l’engagement de long terme des épargnants français dans un nouveau type de contrats d’assurance vie, orienté majoritairement vers un investissement en conformité avec ces labels ;
- l’engagement des acteurs de l’assurance vie en faveur de ce nouveau contrat, notamment grâce au transfert entre entreprises d’assurance vie sans perte d’antériorité fiscale, et grâce à leur capacité d’innovation ;
- l’engagement des acteurs de la gestion d’actifs en faveur de ce nouveau contrat, par la promotion d’une gestion active à forte valeur ajoutée et orientée vers l’investissement socialement responsable et vers la transition énergétique et écologique ;
- un très souhaitable engagement de long terme de l’État pour favoriser le développement de ce nouveau type de contrat, moins liquide, en sécurisant l’investissement de l’assuré.
The Shift Project souhaite que ce dernier levier soit effectivement mis en œuvre par la loi de finances 2020, et invite toutes les parties prenantes à joindre leurs efforts en ce sens.
Contacts
Michel Lepetit – Co-constructeur du projet « In Globo » et Vice-Président, The Shift Project
Mobile : +33 6 03 26 93 18 | E-mail : michel.lepetit@theshiftproject.org
Jean-Noël Geist – Chargé des affaires publiques, The Shift Project
Mobile : +33 6 95 10 81 91 | E-mail : jean-noel.geist@theshiftproject.org
[1] Ifop pour Vigeo Eiris et le Forum pour l’Investissement Responsable – 9ème sondage sur les Français et la finance responsable, 2018 [2] Novethic, Analyse du reporting climat et ESG des principaux investisseurs institutionnels français, 2017 [3] Ce projet est dédié à notre ami Christophe Point (†2016) [4] Sont exclus les contrats bénéficiant d’un cadre fiscal spécifique : PEP, DSK, NSK, Vie génération, Eurocroissance, PEA assurance