La France a besoin d’une vision stratégique claire et cohérente, absente de ce projet de loi.
Le projet de loi sur la transition énergétique voté mardi 14 octobre en première lecture à l’Assemblée entérine plusieurs idées précieuses. Mais ce texte ne dégage pas la vision stratégique dont l’économie française a besoin pour qu’émerge le modèle de croissance « verte » voulu par le gouvernement. Il propose des choix économiquement irréalistes.
The Shift Project (TSP), groupe de réflexion sur la transition énergétique présidé par Jean-Marc Jancovici, salue l’introduction en droit français de la notion d’économie circulaire : c’est un début…
Cibler la rénovation du bâtiment comme objectif prioritaire de la transition énergétique, en introduisant la notion de performance thermique « embarquée », que défend TSP, est également une très bonne chose. TSP s’apprête à tester en partenariat avec plusieurs régions et grandes villes le « Passeport Efficacité Energétique », un outil qui vise à faciliter un développement massif de la rénovation du logement. TSP se réjouit également du vote d’un amendement d’Europe Ecologie – Les Verts faisant de l’objectif national de 2 litres aux 100 kilomètres la norme de référence pour les voitures. Cette initiative s’intègre à la stratégie que s’apprête à recommander le groupe de travail de TSP sur la mobilité.
Exhaustivité, clarté et cohérence font toutefois défaut à la stratégie nationale exprimée par le projet de loi.
Exhaustivité. Le gouvernement ne s’est pas attaqué à la question du pétrole, pourtant centrale dans le déploiement de solutions permettant d’atteindre l’objectif du facteur 4 d’ici 2050. Pour TSP, l’enjeu central demeure la réduction intelligente de la demande en hydrocarbures.
Clarté. L’abandon du dispositif de l’écotaxe en plein examen du projet de loi brouille la compréhension de la démarche de l’Etat. La gratuité des autoroutes évoquée par Ségolène Royal – qui ne ferait qu’encourager le trafic autoroutier et la consommation de pétrole – ne pourrait en rien se substituer à des mécanismes de type écotaxe, qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays, notamment en l’Allemagne. Un consensus autour du chantier immense auquel la nation doit s’atteler suppose à minima l’expression d’objectifs lisibles.
Cohérence. Le choix de ramener la part du nucléaire à 50 % de la production électrique est-il compatible avec une autre disposition du projet de loi, consistant à déployer 7 millions de bornes de rechargement pour des véhicules électriques ? Pour atteindre ces objectifs divergents, le gouvernement n’a fait aucune proposition physiquement et économiquement crédible. Et il compte sur les fruits de la croissance pour financer l’ensemble des mesures proposées, alors même que cettee croissance a disparu des écrans radar en Europe depuis 2007, et que la prochaine crise financière semble se profiler à l’horizon.
A l’Assemblée, l’essentiel du projet de loi, 50 articles, a été débattu et voté dans la nuit de vendredi à samedi dernier. Le long chemin qu’il nous reste à parcourir est tracé en ce moment même. Sur ce chemin pavé de bonnes intentions, la France donne ces jours-ci l’impression d’avancer par à-coups, en zig-zag, voire à l’aveuglette.
The Shift Project, en tant qu’interface de dialogue entre les pouvoirs publics et les grandes entreprises engagées dans la transition, continue à encourager la France à s’engager sur des choix pleinement éclairés.