« Schisme de la réalité » : Amy Dahan sur la gouvernance climatique

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The Shift Project a été très heureux d’accueillir lors de ses Ateliers du 10 septembre, Amy Dahan, auteur de l’ouvrage : Gouverner le climat ? 20 ans de négociations climatiques. Cette étude historique des négociations climatiques, co-écrite avec M. Stefan Aykut  a, comme objectif, de remettre dans leur contexte les négociations actuelles et d’en identifier les obstacles. 

Le parcours d’Amy Dahan est riche et varié : après s’être spécialisée dans les mathématiques, elle a élargi ses recherches à l’histoire de la science avant de s’intéresser, à partir des années 2000, aux questions du changement climatique.

Son intervention, qui a passionné les participants aux Ateliers du Shift , a permis de mettre en lumière les blocages des négociations et les recommandations pour tenter d’y remédier.

Amy Dahan a d’abord souligné la disparition de la division entre Culture et Nature, Sciences et Politiques (un de ses sujets de prédilection) et niveau Global et Local, lorsqu’est évoqué le changement climatique. 

 

                              Vidéo – Amy Dahan aux Ateliers du Shift – 10/09/2015

Schisme de la Réalité

La thèse principale développée dans son dernier ouvrage se concentre sur le concept du « Schisme de la Réalité » ; une idée développée par le politiste Oskar Negt : « En apparence, certains phénomènes peuvent donner l’impression que le processus démocratique est toujours présent, mais en même temps la violence et l’arbitraire sont ce qui prédomine et qui vont faire éclater les choses ». Cette théorie a été développée à l’époque de la montée du nazisme. Bien entendu, et Amy Dahan insiste sur ce point, une telle comparaison peut sembler extrême. Mais, selon elle, ces instances de gouvernance que sont les COP de la Convention sur le Changement Climatique ont jusqu’à présent entretenu ce schisme en encourageant une sorte de faux optimisme et une apparence de progrès, alors qu’en réalité, il y a un immobilisme de la prise de décision pendant que s’accélère une dégradation inexorable du climat (dont les principaux facteurs sont la mondialisation et l’émergence de certains pays). 

Avec cet ouvrage, Amy Dahan a donc voulu explorer les causes profondes de ce schisme tout en soulignant qu’il n’a pas pour seule cause une mauvaise gouvernance. Il est essentiel d’aller au-delà de ces considérations et de prendre en compte les questions économiques, politiques et environnementales.

Historique des négociations

A partir de son étude historique des négociations, Amy Dahan a divisé en trois étapes clés le processus des négociations climatiques : 

– A l’origine c’était un problème de pollution globale qui allait être résolu comme l’avaient été les questions de la couche d’ozone avec le protocole de Montréal.

– Puis il s’agissait de processus politiques et scientifiques séparés mais qui restaient étroitement liés avec l’idée qu’il fallait « obéir » à la science.

– Et enfin ce fut cette idée de « top-down », où un partage politique du fardeau avec une séparation stricte entre les pays en voie de développement et les pays développés devait avoir lieu.

Aujourd’hui, selon Amy Dahan, on se rend compte « qu’il ne suffit pas que la science nous dise d’agir, il faut que le monde se prenne en main ».

Par ailleurs, il faut surtout voir dans les tensions économiques et géopolitiques les raisons d’une construction top-down inefficace. Depuis la non-ratification de Kyoto par les Etats-Unis, nous avons assisté au début de la décrédibilisation du processus sur le climat; les pays en voie de développement ne voulant pas prendre d’engagements si les pays développés n’en prenaient pas. Amy Dahan regrette que la gouvernance onusienne n’ait jamais voulu en tenir compte. 

Ses recommandations

Pour Amy Dahan, il y a une nécessité de détruire ce « schisme de la réalité » et de faire éclater la bulle dans laquelle se trouvent encore les accords sur les changements climatiques. Pour y parvenir plusieurs conditions sont nécessaires :

Redonner de l’autonomie à la science et à la politique, afin que les résultats des recherches scientifiques puissent être reconnus lors de la prise de décision politique. Selon elle, « un simple accord sur la science dès le départ suffirait à faciliter les discussions. »

Identifier les intérêts sous-jacents des négociations en se concentrant sur des questions économiques, géopolitiques et environnementales. « Ignorer la crise économique de 2008 lors des négociations de Copenhague fut une erreur ». En outre, il est illusoire d’imposer un régime égal à tous les pays : la lutte contre le changement climatique se doit de prendre en compte les contextes socio-économiques actuels et anciens en considérant les acteurs à l’origine de ce bouleversement climatique. Cette affirmation doit être dite.

Identifier les contradictions : comme le financement des énergies fossiles à hauteur de 500 milliards de dollars par an notamment en subventions (reconnu par un rapport de l’OCDE), ou encore le fait de parvenir à un compromis afin que l’Agence Internationale de l’Énergie ne fasse pas l’objet d’une division entre sa politique environnementale et le besoin mondial en énergie. 

Amy Dahan a enfin évoqué les diverses contradictions à soutenir les traités de commerce internationaux, venant contredire une politique de lutte contre le changement climatique. Elle a souligné que le climat ne pouvait être cloisonné sur l’échiquier international et qu’il s’agissait d’une question transversale. Elle a finalement conclu que « la gouvernance climatique doit être polycentrique et multi-échelle » et que la COP ne peut être sa seule source d’actions ; il faut que cette intégration des données climatiques aille vers les autres engagements ; globaux ou autres.


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