Pour alimenter le Grand Débat, The Shift Project s’est focalisé sur le logement et la mobilité, qui pèsent lourd à la fois sur le porte monnaie des français et dans l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre. De plus, ces questions peuvent être décidées rapidement par le gouvernement. Le Shift publie ici ses 17 propositions, et remercie au passage l’équipe des Shifters.
La France vit actuellement des événements politiques, et sociologiques majeurs qui trouvent en partie leur origine dans les tensions énergétiques et climatiques secouant nos sociétés. Le mouvement des « Gilets Jaunes » symptôme actuel de nos difficultés remet des citoyens au cœur de la vie politique. Ce mouvement doit nous conduire à penser une transition énergétique plus juste, plus concrète et plus efficace. Ce mouvement politique peut être l’occasion de mettre en place les évolutions économiques, sociales et industrielles qui nous permettent de préparer notre pays à une crise climatique et énergétique croissante, en réduisant notre impact climatique et notre dépendance aux énergies fossiles. Pourtant, les propositions du gouvernement restent en retrait, à la fois par rapport aux ambitions de l’Accord de Paris et à la problématique de l’approvisionnement pétrolier et gazier de la France.
The Shift Project défend depuis plusieurs années des propositions allant dans ce sens, issues de plusieurs années de travaux approfondis. Les propositions du Shift contenues dans ce document sont volontairement centrées sur les questions de mobilité et de bâtiment qui peuvent être décidées dans un délai restreint. D’autres propositions cruciales, concernant autres secteurs (industrie, agriculture, numérique, enseignement supérieur, finance, etc.) ou nécessitant une coordination internationale, n’ont pas été incluses.
Décarboner notre mobilité
Le secteur des transports représente 33 % de la consommation d’énergie finale et émet 39 % des émissions de gaz à effet de serre du pays (à 54 % portées par la voiture individuelle, les Véhicules Utilitaires et les camions faisant chacun 20% des émissions). Afin de réduire l’empreinte carbone de la mobilité, The Shift Project propose plusieurs évolutions ambitieuses et nécessaires.
Constats
- L’étalement urbain accroît la dépendance à la voiture et les émissions de CO2 dues à la mobilité ;
- La course à l’augmentation de la taille des voitures continue ; en conséquence, la consommation de carburants de diminue pas ; et il est difficile d’acquérir d’occasion des petites voitures suffisamment économes ;
- En ville, la moitié des déplacements en voiture fait moins de 5 km ;
- Le transport ferroviaire, bien que peu émetteur de CO2 et pertinent pour les longues distances, est sous utilisé.
Propositions
- Soutenir le covoiturage du quotidien et l’autopartage : mise en place d’un réseau d’aires de rencontre pour covoiturage, création d’un régime spécifique pour le covoiturage domicile-travail ; transformation des axes autoroutiers existants, en réservant des voies au covoiturage ;
- Diminuer les vitesses sur les routes : cela fait fortement baisser les consommations, incite aux déplacements plus courts, procure plus de sécurité aux usagers de petites voitures et du vélo, et facilite le covoiturage.
- Favoriser la mobilité cyclable : mise en place d’infrastructures cyclables et parkings sécurisés, afin de développer un « système vélo » à niveau de service comparable au « système voiture » ;
- Développer un système de transport public express : construction de pôles intermodaux autour des centres des agglomérations, mise en place de lignes de bus express radiales à haut niveau de service permettant de relier petites villes périurbaines à leur métropole, remplacement des bus diesel par des technologies moins émettrices ;
- Imposer une consommation plus faible pour les voitures neuves, en allant plus loin que la réglementation européenne par des plafonds de CO2 plus contraignants et en définissant la manière de rendre les voitures moins émissives (plus petites, moins puissantes, moins rapides), tout en prévoyant des mesures d’accompagnement pour les plus fragiles : en moyenne dès 2030, 50 gCO2/km pour les voitures neuves et 70 gCO2/km pour les camionnettes neuves ;
- Prendre des mesures volontaristes et en mesurer l’efficacité réelles contre l’étalement urbain : jouer sur les règles d’urbanisme, et la fiscalité locale s’appliquant notamment aux surfaces commerciales qui gagnent sur les surfaces agricoles ;
- Favoriser le transport ferroviaire moyenne et longue distance, au détriment du transport aérien moyen-courrier : abandon des projets de construction ou d’extension d’aéroports, régulation plus stricte des avantages financiers accordés au transport aérien, gros consommateur d’énergie et peu générateur d’emplois, mise en place d’un « audit mobilité interne » dans les grandes entreprises pour évaluer l’intensité carbone des déplacements engendrés par leur activité, et définition d’un plan de déplacement basse émission.
Décarboner nos logements par la rénovation
Les bâtiments représentent 25% des émissions de gaz à effet de serre et 45% de la consommation énergétique de la France. Afin de répondre au double enjeu de réduction des émissions liées au bâtiment et de lutte contre la précarité énergétique qui accroît les inégalités, le Shift Project propose plusieurs pistes de réflexion.
Constats
- Le gouvernement s’est engagé à effectuer 300 000 rénovations équivalent complètes par an sur le quinquennat ;
- 7,5 millions de logements en France sont des « passoires thermiques » ;
- Le financement, l’instabilité, la complexité, la méconnaissance des dispositifs d’aide et le manque de soutien aux rénovations performantes expliquent en grande partie le retard pris en matière de rénovation.
Propositions
- Intégrer les émissions de CO2 dans la réglementation thermique des bâtiments existants ;
- Rassembler des artisans au sein de groupements, et créer un observatoire sur le prix des travaux, afin d’encadrer l’offre de la filière rénovation énergétique ;
- Créer rapidement dans tous nos territoires des guichets uniques d’aide et de financement ;
- Mettre en place une obligation de rénovation, à travers des échéances pour la mise en conformité des logements en situation de mutation, et intégrer la performance énergétique dans la définition d’un logement décent (donc, considérer les passoires énergétiques – notées « F » ou « G » dans le Diagnostic Performance Energétique, DPE- comme des logements indécents) ;
- Faire du CITE un outil au service de la performance énergétique et climatique des rénovations : le CITE (Crédit d’Impôt pour la Transition Energétique) doit être repensé, en particulier pour favoriser les bouquets de travaux et les rénovations globales et pour en exclure progressivement les chaudières gaz ;
- Inclure la performance énergétique du bâtiment comme indicateur pour l’octroi de prêt immobiliers directement, et indirectement au travers de son inclusion à l’assiette fiscale, après sa fiabilisation ;
- Créer une institution dédiée à la transition énergétique qui offre sa garantie pour le financement de la rénovation des bâtiments publics, et accompagne les collectivités, dans le but de diminuer les frais financiers (y compris frais de dossier et d’assurance) ;
- Rendre obligatoire un « Passeport efficacité énergétique » à fournir en cas de vente du logement, préconisant les étapes, les travaux et les performances des travaux à réaliser pour que le logement atteigne le niveau basse consommation (BBC). Le rendre également obligatoire à réaliser pour les propriétaires de logements locatifs notés « F » ou « G » dans le DPE ;
- Moduler les impôts fonciers en fonction de la performance des bâtiments, après une période de franchise de 10 ans ;
- Mettre en place des instruments de mutualisation des risques de rénovation tels qu’un Fonds européen pour les rénovations approfondies.
Pour aller plus loin
Mobilité & Transports
- « Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité », 2017, The Shift Project
- « Manifeste pour décarboner l’Europe – Mobilité urbaine intelligente », 2017, The Shift Project
- « Manifeste pour décarboner l’Europe – Véhicules économes », 2017, The Shift Project
Rénovation & Logements
- « Rénovation thermique du parc existant 2015-2050 », 2013, The Shift Project
- « Crédit immobilier et résilience énergétique – Prise en compte des dépenses énergétiques dans les projets d’accession à la propriété », 2013, The Shift Project
The Shift Project tient à remercier particulièrement Lan Anh Vu Hong, Arthur Goldstein et les autres bénévoles de l’association The Shifters.