Absence d’une vision d’ensemble, défaillances au niveau du pilotage, difficultés d’évaluation – le diagnostic de la Cour des comptes est sans appel : la mise en œuvre du Paquet énergie-climat par la France n’est pas en voie d’atteindre ses objectifs.
Le rapport publié en janvier a le mérite d’alerter les décideurs politiques sur la révision de quelques principes fondamentaux, comme la prise en compte des importations dans l’empreinte carbone ou la nécessité de faire des économies d’énergie pour réduire les émissions de GES. Mais c’est en matière de logement et de transport que les recommandations de la Cour des comptes ont notamment retenu l’attention du Shift.
Rénovation thermique : la nécessaire rupture
Notre think-tank, dont les propositions en matière de performance énergétique des bâtiments ont été remises au gouvernement, partage le constat de la Cour des comptes sur le manque d’efficacité de la politique de soutien à la rénovation thermique de la filière bâtiment. Nous exprimons également de sérieuses réserves sur les hypothèses « irréalistes »(1) que le gouvernement continue de mettre en avant. Le chiffre avancé de « 900 000 rénovations lourdes par an de 2013 à 2020, alors que le Grenelle de l’environnement tablait sur 400 000 »(2) nous semble parfaitement illusoire compte-tenu des mesures actuelles qui ont permis au mieux d’atteindre le chiffre de 135 000 en 2010. Nous observons, en outre, que les mesures ont surtout produit un effet d’aubaine ; la plupart des travaux réalisés l’auraient été dans tous les cas.
La mise en place de l’Eco-PTZ et du CIDD n’a permis de structurer le marché de l’offre de rénovation ni de manière pérenne, ni au niveau des performances idoines. En outre les changements successifs apportés au CIDD ont renforcé un sentiment d’instabilité de cette politique et la défiance des acteurs vis-à-vis de ce marché. Les conclusions du rapport de la Cour des comptes renforcent notre conviction que seule une politique de rupture basée sur un signal réglementaire clair et organisé sur une période longue pourra permettre d’atteindre les objectifs souhaités.
Mobilité et précarité énergétique
The Shift Project note également que la Cour des comptes insiste sur l’importance de l’efficacité énergétique dans le domaine des transports – domaine responsable de 28% des émissions de GES, dont 95% sont liés à la route(3). La Cour affirme qu’il faut « accroître les moyens de la politique d’efficacité énergétique, tout particulièrement dans […] les transports, où l’effort principal doit porter sur la route »(4). Nous souscrivons à cette analyse. C’est pourquoi nous avons lancé, en janvier 2014, un groupe de travail sur les mobilités et la précarité énergétique des personnes en milieu périurbain.
Tout comme la Cour, nous sommes conscients qu’une « nouvelle organisation de la mobilité, de l’aménagement et l’espace et du bâti, [des] les circuits reliant les lieux de production et de consommation »(5) ne peut attendre. Cela constitue véritablement une « mise en cause des modèles culturels […] de mobilité, de logement et d’urbanisme » , qui nécessite « le concours de tous […] à l’invention d’un nouveau modèle de société »(6). C’est fort de ce diagnostic partagé que le Shift souhaite fédérer les acteurs du secteur pour proposer des solutions de réduction de la dépendance aux énergies fossiles des ménages périurbains. L’objectif est double : favoriser l’émergence d’une économie décarbonée et lutter contre la précarité énergétique.
Espérons que des responsables politiques, pragmatiques et courageux, sauront s’emparer des conclusions émises par la Cour des comptes ! Au Shift, nous continuerons d’y faire écho.
(1) P18, Synthèse « La mise en œuvre par la France du paquet climat-énergie », Cour des Comptes, janvier 2014
(2) P131, Rapport « La mise en œuvre par la France du paquet climat-énergie », Cour des Comptes, janvier 2014
(3) P12, Synthèse « La mise en œuvre par la France du paquet climat-énergie », Cour des Comptes, janvier 2014
(4) P29, Ibid
(5) P26, Ibid
(6) P28, Ibid