Doha : le sommet des inquiétudes

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Tous les signaux sont au rouge, la maison continue de brûler. Un faisceau de preuves [1] confirment la dégradation de l’environnement à un rythme continu. Les derniers évènements climatiques (ouragan Sandy, sécheresse du Mississipi, typhon Bopha aux Philippines), et le consensus désormais bien établi dans les cercles économiques et financiers de l’existence du problème climatique auraient pu laisser penser que la convention climat de l’ONU à Doha du 27 Novembre au 8 décembre serait le siège de décisions sur les mesures à adopter pour circonscrire la dégradation de notre environnement.

Il n’en a rien été.

Initialement l’objectif visé de cette conférence était triple :
•    L’obtention d’un calendrier de négociation fixant des délais pour négocier les points clés du futur accord de 2015,
•    Le prolongement du protocole de Kyoto (seul outil juridique contraignant  dont la première période d’engagement s’achève le 31 décembre 2012),
•    La fixation du niveau d’aide des pays du Nord vers ceux du Sud (« le fond vert »).

Au final l’accord arraché aux forceps à la dernière minute par l’organisateur qatarie ne permet de statuer que sur le prolongement de l’accord de Kyoto : L’acte II de Kyoto engage l’Union Européenne, l’Australie et une dizaine d’autres pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020.

Ce point est évidement symbolique puisque les pays engagés ne représentent que 15 % des émissions de GES dans le monde (pour mémoire : la Chine représente aujourd’hui 25% des émissions de GES, contre 17% pour les Etats-Unis et 11% pour l’Union Européenne).

Deux points restent donc en suspens: le calendrier précis des négociations d’ici 2015 (deux étapes sont toutefois prévues : 2013 à Varsovie et 2014 au Pérou ou au Venezuela) et la mise en place de mécanismes permettant d’augmenter substantiellement l’aide des pays développés aux pays du Sud.

Sur ce dernier point, la déception est d’autant plus grande que les pays du Sud attendaient des pays développés qu’ils s’engagent à verser 60 milliards de dollars d’ici 2015, pour assurer une transition entre l’aide d’urgence de 30 milliards pour 2010-2012, et la promesse des 100 milliards par an d’ici 2020. La crise économique aura servi de paravent pour les grands pays bailleurs de fonds qui ont refusé de s’engager sur une telle somme. L’accord signé est pour le moins équivoque : le texte de Doha « presse » les pays développés à annoncer de nouvelles aides financières « quand les circonstances financières le permettront » et à soumettre au rendez-vous climat de 2013 à Varsovie « les informations sur leurs stratégies pour mobiliser des fonds afin d’arriver à 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 ».

En conclusion, Doha restera comme une conférence-étape (qualifiée d’utile mais aux résultats modestes selon le chef de l’équipe de négociation au ministère du Développement durable français Paul Wilkinson) en vue de la conférence prévue très certainement en 2015 à Paris. L’objectif est donc désormais d’arriver à un accord global en 2015 concernant la limitation des rejets dans l’atmosphère des gaz à effets de serre avec une mise en application en 2020. Contrairement au protocole de Kyoto, cet accord ne concernera pas que les nations industrialisées mais tous les pays, y compris les grands émergents et les Etats-Unis. Un texte devant servir de base pour les négociations devra être disponible « avant mai 2015 ».

Néanmoins, plusieurs questions restent en suspens.

On peut d’ores et déjà s’interroger sur l’impact de l’immobilisme actuel en termes de réévaluation à la hausse des réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Certaines études, comme celle de l’économiste Nicholas Stern [2], le laissent penser. Pour lui, limiter la hausse des températures de 2 degrés, imposera une réduction des émissions de GES de 50 milliards de tonnes par an à 35 milliards de tonnes en 2030, ce qui devrait mettre à contribution les pays du Sud et donc ajouter une source supplémentaire de blocage lors des futures négociations.

Enfin des voix [3] s’élèvent pour remettre en cause les processus de négociation qui ont fait la preuve de leur inefficacité depuis un certain temps. L’idée serait de réformer la gouvernance lors de ces grandes conférences pour parvenir à un véritable accord en 2015 et même évoluer vers une véritable transition énergétique au-delà.

Article rédigé par Thomas Jues

Références

[1] “Managing the risks of extreme events and disasters to advance climate change”, Special report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (GIEC)
[2] “Recklessly slow or a rapid transition to a low-carbon economy? Time to decide”. Romani M., Rydge J. and Stern N.
[3] “Equity and state representations in climate negociations”. Schroeder H., Boykoff M. and Spiers L., Nature Climate Change Vol 2.-18 Novembre 2012.


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