Les législatives 2024 : des élections déterminantes pour la décarbonation

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Associations apartisanes attachées à la rigueur scientifique et technique, le Shift et les Shifters avaient fait le choix, lors des élections présidentielles de 2022, de contribuer au débat démocratique à leur manière propre : en fournissant une analyse systématique des programmes des candidats au regard de la question de la sortie des énergies fossiles[1]. A l’heure où les citoyens français sont appelés à voter lors de législatives anticipées qui s’annoncent cruciales, nous invitons à examiner la situation de la France dans la perspective du changement climatique et de notre dépendance aux énergies fossiles.

Comme tous les autres pays de l’Union européenne, la France tire la majeure partie de son énergie de sources fossiles. Le transport des personnes, de même que la production et l’acheminement des biens (qu’ils soient ou non produits en France), restent très majoritairement tributaires de ces énergies carbonées et tarissables[2].

Le pétrole et le gaz naturel que nous consommons en France sont des ressources contraintes que doivent se partager un nombre croissant de Terriens accédant au confort moderne. Ce sont des ressources limitées puisées pour l’essentiel ailleurs qu’en Europe occidentale, et dont l’exploitation est vouée à devenir de plus en plus difficile. Tant que la France en restera dépendante (et ça n’est pas une fatalité !), la balance commerciale et la souveraineté du pays, la prospérité des entreprises françaises et le pouvoir d’achat de nos concitoyens seront conditionnés par l’accessibilité et à la disponibilité de ces hydrocarbures.

La combustion des énergies fossiles émet du CO2, un gaz à effet de serre qui déstabilise le climat à une vitesse inédite. En 150 ans, la température mondiale a déjà augmenté de +1,15°C (en moyenne sur la dernière décennie), et celle de la France plus encore : +1,9°C. Les rythmes de précipitation commencent également à être sérieusement perturbés. Les événements climatiques violents se multiplient. Les conséquences déjà brutales en France, notamment pour l’agriculture ou le logement, font redouter des dégâts bien plus terribles à l’avenir.

Nous constatons que trop peu de leçons sont tirées de ces constats pourtant factuels dans cette campagne des législatives. Or c’est l’Assemblée nationale qui décide in fine de l’intégralité du cadre législatif du pays, du budget et de l’adoption des traités internationaux.

Tout d’abord, la fragilité stratégique en approvisionnement en pétrole et en gaz naturel de l’Europe, solidement documentée par The Shift Project et ce depuis de plusieurs années[3], est absente des débats. Dans les décennies à venir, si rien n’est fait, ces dépendances risquent de s’aggraver, et le feront d’autant plus vite que le reste du monde souhaitera consommer une fraction importante de l’approvisionnement mondial. Elles affaibliront la France et l’Europe dans un monde en proie à des tensions inter et intra étatiques croissantes. Résoudre ces fragilités est aujourd’hui une condition nécessaire au maintien de la stabilité et de la souveraineté de la France et de l’Europe.

Ensuite, l’amplification des conséquences du réchauffement climatique conduira tôt ou tard un nombre croissant de pays ou de zones à s’en préoccuper, ce qui est déjà le cas en Europe, dans laquelle la France restera quelle que soit l’issue des législatives.

Face à cette situation, il n’y a pas de recette magique : il faut mettre la décarbonation au cœur de nos politiques publiques.

Les efforts à engager avec le temps et les ressources qui nous restent sont significatifs, mais restent à notre portée. Les solutions sont possibles, comme le montre le Plan de transformation de l’économie française[4]. Il s’agira notamment de s’accorder collectivement sur le constat que la sortie des énergies fossiles et la préservation du climat réclament d’utiliser toutes les options techniques et sociétales à notre portée, dans la mesure où celles-ci contribuent à la décarbonation. Cette planification doit être incarnée politiquement et mise en œuvre sur le long terme.

Les Shifters et le Shift Project se tiennent à disposition de toutes et tous, en particulier de la société civile et des décideurs publics et privés. Parce que nos associations travaillent avec rigueur, le Shift Project et les Shifters ne prennent position sur les sujets traités qu’après mûre réflexion.

Nos deux associations continueront à œuvrer pour la sortie des énergies fossiles et la préservation du climat. Nous appelons toutes les forces politiques à placer cet objectif au cœur de leurs politiques, que ce soit en s’inspirant du Plan de transformation de l’économie française ou d’autres travaux cohérents. A bien y regarder, c’est une condition préalable à la réalisation de la quasi-totalité de nos objectifs sociaux ou économiques de long terme.

Note commune de positionnement des associations The Shifters et The Shift Project

 


[1] The Shifters avait analysé les programmes d’alors (https://presidentielle2022.theshifters.org/decryptage/) tandis que The Shift Project analysait les lettres qui lui avaient été envoyées par les candidats (https://theshiftproject.org/article/climat-energie-analyse-shift-presidentielles/)

[2] Pour en savoir plus : « Pour une souveraineté énergétique fondée sur les renouvelables, le nucléaire et la sobriété », publié en avril 2024 par The Shift Project (https://theshiftproject.org/article/souverainete-energetique-renouvelables-nucleaire-sobriete/)

[3] Notamment au travers de 2 rapports dédiés : « Gaz naturel : quels risques pour l’approvisionnement de l’Union européenne ? » en 2022, et « Pétrole : quels risques pour les approvisionnements de l’Europe ? » en 2021

[4] Le Plan de transformation de l’économie française (PTEF) vise à proposer des solutions pragmatiques pour décarboner l’économie en favorisant la résilience et l’emploi. La méthodologie choisie a pour but d’assurer une cohérence d’ensemble entre la quinzaine de secteurs traités et les chantiers transversaux (emploi, finance, etc.). Les travaux de recherche ont été publiés en 2020 et 2021 sous forme de rapports sectoriels, et d’un livre sorti en librairie le 26 janvier 2022 aux éditions Odile Jacob. Toutes nos publications sont disponibles sur les sites www.theshiftproject.org et celles du PTEF sur www.ilnousfautunplan.fr.


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