La politique énergétique et la politique climatique du pays doivent être parfaitement coordonnées. Mais à l’heure où la France est à un tournant de sa politique énergétique, notre pays doit fonder sa souveraineté énergétique sur tous les leviers pertinents de la transition bas-carbone, et non sur la seule électricité nucléaire comme c’était le cas dans le volet programmatique du projet de loi Souverainté Energétique, retiré mi-janvier 2024.
Pour garantir notre capacité à consommer l’énergie nécessaire au territoire national, il nous faut mettre en œuvre une politique systémique, reposant sur l’efficacité et la sobriété, associée au développement d’un mix robuste de capacités de production d’énergies décarbonées, électriques et non-électriques. La souveraineté nécessite de maîtriser notre empreinte énergétique et de limiter le carbone des biens et services importés.
Alors que le Parlement se penche en avril à nouveau sur les objectifs climatiques, il s’agit de noter qu’atteindre nos objectifs de décarbonation (et non pas juste « tendre vers », selon la formulation du texte retiré) peut aussi permettre à la France de conquérir une forme de souveraineté énergétique, ou pour le moins de parer à des évolutions futures et inévitables. Pour cela, il faut au préalable prendre acte de l’ensemble de nos dépendances actuelles, cesser d’opposer énergies renouvelables et nucléaire, et miser sur tous les leviers capables de bâtir l’économie post-énergies fossiles, laquelle sera nécessairement beaucoup plus sobre en énergie et en matières.
EN BREF. Alors que le volet programmatique du projet de Loi (PJL) Souveraineté Énergétique retiré en janvier adressait un sujet central et urgent pour le pays et que les débats énergétiques reviennent sur l’opposition nucléaire vs EnR, tous ces textes contenaient de trop nombreux angles morts qu’il s’agit maintenant de traiter :
– Sécuriser l’approvisionnement en énergie ne se limite pas à sécuriser la production d’électricité sur le territoire national. Un texte efficace doit inclure des objectifs liés aux énergies hors électricité, aux énergies incorporées dans nos importations de biens et services (sans quoi nous allons faire de graves erreurs de lecture sur les possibilités de réindustrialisation), à l’utilisation d’énergie sur notre sol national par les filières industrielles de production, et à la prise en compte des durées de vie à 60 ans ou plus des infrastructures énergétiques.
– Evidemment, l’objectif légal de « réduire » les émissions de gaz à effet de serre, au lieu de « tendre vers » leur réduction (dans la nouvelle rédaction proposée pour l’article L100-4 du code de l’énergie) doit être affirmé, afin d’envoyer un signal approprié à la société française sur la lutte contre le changement climatique. Le calibrage des investissements et de la sobriété demande une programmation quantifiée dans le temps de la baisse des émissions – à la fois territoriales et en empreinte carbone – et de la hausse de la production d’énergie décarbonée. Une indication vague n’est pas suffisante pour cadrer l’action.
– Les énergies renouvelables sont une composante indispensable de la décarbonation et de la résilience du pays. Un texte d’amélioration de la souveraineté de notre pays doit inclure des objectifs de développement de l’électricité et de la chaleur renouvelable en plus de ceux concernant l’électro-nucléaire, ainsi que les objectifs d’adaptation du réseau électrique correspondants (flexibilité, stockage, renforcement, etc.).
– L’efficacité énergétique est évidemment un objectif important, et il doit être complété par un objectif de sobriété structurelle, à la fois individuelle et organisée collectivement, en appréhendant l’économie sous un angle physique et systémique. Le fossé actuel entre nos capacités domestiques de production d’énergie (entre 600 à 700 TWh par an en énergie finale[1]) et notre consommation domestique d’énergie finale[2] (de l’ordre de 1600 TWh, soit plus du double[3]) est si gigantesque que miser sur la seule efficacité énergétique, alors que beaucoup d’efforts ont déjà été accomplis, n’apporte pas les garanties de succès suffisantes. Cette exposition au risque énergétique est encore plus forte quand on considère la véritable dépendance de notre pays aux énergies fossiles, telle que révélée par son empreinte énergétique (de l’ordre de 2500 TWh par an).
– En fondant la politique énergétique de la France sur des résultats – limitation de la dépendance aux énergies fossiles et utilisation des ressources territorialement maîtrisée en cohérence avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre – et non pas sur tel ou tel moyen de production, un tel texte permettrait la construction d’une souveraineté énergétique dans la durée.
– Que ce soit pour les renouvelables ou le nucléaire, tout n’est pas encore écrit sur les meilleures décisions possibles pour l’avenir, mais à tout instant il existe des choix sans regret. Il est urgent de se doter des moyens de piloter l’évolution du système énergétique de manière agile, en maximisant les choix sans regret et en instruisant aussi vite que possible les questions qui restent ouvertes.
I. Notre souveraineté énergétique dépend de notre sortie des énergies fossiles
A. Sortir des énergies fossiles, y compris celles embarquées dans nos produits importés.
Sortir de notre dépendance aux hydrocarbures (charbon, pétrole, gaz), y compris celle embarquée dans nos produits importés, nous apporterait un double bénéfice :
- d’une part nous ferions notre part dans la lutte contre la dérive climatique
- par ailleurs nous progresserions vers un état de moindre dépendance à une ressource qui va poser de sérieux problèmes de disponibilité dans les décennies à venir.
Alors que la consommation d’énergie finale dans notre pays s’appuie à 58%[4] sur des énergies fossiles, l’analyse de notre empreinte carbone révèle que près de la moitié de l’énergie nécessaire au maintien de nos modes de vie et de production est utilisée en dehors de nos frontières dans les usines des pays fournisseurs (alliés ou non) et dans le transport des biens jusqu’à la France.
Ainsi, un calcul d’ordre de grandeur basé sur cette empreinte montre qu’entre 2000 et 2500 TWh en énergie finale (principalement à base d’énergies fossiles) sont nécessaires chaque année pour assurer le mode de vie des Françaises et des Français[5]. A cette dépendance doivent être ajoutés les flux touristiques internationaux (60 Milliards d’euros de recettes par an dans le pays) qui dépendent aussi en très grande majorité du pétrole pour le transport des personnes. Dès lors, on mesure qu’un traitement de la souveraineté circonscrit à la production d’énergie finale sur le sol français ne sécurisera que très partiellement notre mode de vie et de production face à une forte baisse de la disponibilité des combustibles fossiles dans le monde[6]. A titre d’exemple et à petite échelle au regard des possibles crises futures, la crise russo-ukrainienne a contraint l’approvisionnement énergétique national à court terme, puis s’est propagée à l’ensemble de l’économie européenne et mondiale en quelques mois, entrainant une spirale inflationniste délétère et un déficit record en 2022 de la balance commerciale française (164 milliards d’euros), grevée par le coût de l’énergie importée.
Pour être au bon niveau d’ambition, un texte doit s’inscrire dans une réduction de l’énergie – et donc du carbone – importée par la France, ce qui passe par une combinaison de sobriété et de réindustrialisation du pays, par-delà la seule production à court terme d’énergie primaire décarbonée sur le sol national. Il doit prendre en compte un horizon de temps compatible avec les enjeux industriels qui s’allongent jusqu’au début du 22ème siècle, et intégrer l’ensemble des éléments centraux du mode de vie de notre pays.
B. Préparer dès aujourd’hui le repli des infrastructures d’acheminement et de vente des énergies fossiles.
Pour la souveraineté du pays, il est absolument nécessaire d’envisager la politique de décarbonation de façon intégrée avec la politique de gestion des réseaux énergétiques. Ces enjeux de programmation industrielle non électrique doivent s’intégrer dans le périmètre d’un texte – qu’il soit proposé par l’exécutif ou le Parlement -, au titre de l’article L100-1 A du code de l’énergie.
A titre d’exemple, le développement des réseaux de distribution gaziers à destination des particuliers reste préservé par le code de l’énergie, alors que le pays a en ligne de mire une division par 2 d’ici 2030 de la consommation de gaz naturel au titre de sa sécurité stratégique et de sa politique climatique. Le biométhane sera très loin de compenser le gaz fossile selon les premiers travaux du SGPE[7] et ses usages seront à prioriser, notamment pour certaines activités industrielles difficiles à décarboner. Respecter ces objectifs 2030 signifie réduire d’au moins 25% le parc de chaudières gaz, en particulier dans les logements les plus énergivores[8]. A terme, ce parc de chaudières devra quasiment disparaître, de même que les gazinières et l’eau chaude sanitaire au gaz.
Il est donc absolument nécessaire de planifier, avec les gestionnaires de réseaux électrique et gazier, conjointement la réduction du parc d’équipements gaz dans le bâtiment (chaudières et gazinières) et le repli de portions du réseau de gaz (débranchements et démantèlements d’antennes[9]). Cette planification, qui peut se faire au niveau local, doit a minima être cadrée et encouragée par des dispositifs incitatifs nationaux. Il convient alors de modifier le code de l’énergie (L432-8 notamment) pour stopper le développement du réseau gazier, ou encore de bonifier les subventions aux réseaux de chaleur qui ont vocation à remplacer des antennes du réseau de distribution de gaz.
Cet infléchissement industriel doit s’accompagner d’un volet social volontariste, à la fois pour les consommateurs dans leur sortie des énergies fossiles, mais aussi pour les salariés et les entreprises qui font actuellement vivre des filières entières grâce aux énergies fossiles. Les aides devront inciter à changer un équipement fossile avant son obsolescence naturelle, à la condition que l’équipement de remplacement soit sans carbone (PAC, réseau de chaleur décarboné, biomasse renouvelable, etc).
II. S’appuyer sur tous les leviers énergétiques bas carbone : électricité renouvelable et nucléaire, chaleur renouvelable et de récupération
A. Les énergies renouvelables électriques sont indispensables à la décarbonation et à l’autonomie stratégique du pays
Dans le domaine électrique, l’omission des objectifs EnR dans le PJL publié en janvier privait de visibilité sur l’apport de ces sources énergétiques. Or les deux technologies – renouvelables électriques et électro-nucléaire – renforcent notre souveraineté énergétique.
Aussi un texte – qu’il soit gouvernemental ou parlementaire – doit inclure des objectifs de développement des EnR électriques, qui sont indispensables à la décarbonation et à l’autonomie stratégique du pays, particulièrement jusqu’en 2035 où aucune des nouvelles capacités nucléaires envisagées ne sera opérationnelle. Pour être cohérent, le texte doit aussi inclure des objectifs d’adaptation du réseau électrique et notamment de développement des moyens de flexibilité pour accueillir de plus en plus d’énergies renouvelables intermittentes (interconnexions, vehicle-to-grid, flexibilité de la consommation, etc.), tels que préconisés par les Futurs énergétiques 2050 de RTE.
Une instruction des alternatives nucléaires possibles est nécessaire avant d’engager les travaux des 8 EPR (13GW) supplémentaires envisagés en plus de 6 prévus (9GW), la solution EPR pouvant être complétée dans la famille électronucléaire (réacteurs actuellement en service, surgénérateurs, SMR…). De même, une instruction des enjeux technologiques et de ressources critiques doit être menée par les acteurs experts de ces sujets (monde académique, opérateurs de réseau…) en parallèle du déploiement à grande échelle des énergies renouvelables électriques : disponibilité des matériaux en cas de tensions sur le commerce mondial, emplacements nécessaires et concurrence d’usage, gestion du réseau en tension et fréquence, enjeux de complémentarité nucléaire-renouvelables, sources non pilotables, stockage intersaisonnier…
Cela ne doit cependant pas empêcher des choix dès à présent raisonnablement sans regret : accélérer le déploiement du solaire photovoltaïque, de l’éolien terrestre et en mer afin d’atteindre a minima les rythmes d’installation du scénario N1 des Futurs énergétiques 2050 de RTE (au moins 4 GW/an pour le solaire, 1,5 GW/an pour l’éolien terrestre, 1,5 GW/an pour l’éolien en mer), continuer la planification des EPR sur le territoire français, préparer les adaptations nécessaires du réseau électrique aux évolutions envisagées.
B. La souveraineté énergétique ne se limite pas à sécuriser la production d’électricité
Le projet de loi initialement proposé se concentrait sur le mix électrique et ne traitait qu’imparfaitement les usages non électriques décarbonés. Ainsi, les objectifs dans le domaine de la chaleur et du froid étaient limités aux EnR (la construction de ces objectifs, au regard de la situation actuelle, mériterait d’être détaillée), alors que des objectifs non carbonés non renouvelables sont possibles.
Les Shifters et le Shift Project considèrent que le texte doit engager des mesures concernant tous les leviers et vecteurs énergétiques permettant une transition bas carbone du territoire français :
- L’électro-nucléaire
- Les énergies renouvelables électriques (éolien terrestre et maritime, solaire photovoltaïque voire thermique à flamme renouvelable pour assumer la flexibilité du système…)
- La chaleur et le froid bas-carbone, renouvelable (géothermie, pompes à chaleur, solaire thermique, réseaux de chaleur biomasse…) ou de récupération (par exemple, en soutenant la recherche sur la cogénération nucléaire, pour permettre son développement éventuel)
- La limitation de la consommation d’énergie par l’efficacité énergétique et la sobriété énergétique individuelle et collective.
III. S’engager en faveur d’une sobriété individuelle, collective et structurelle
Un texte de souveraineté énergétique doit permettre au gouvernement d’engager des actions relevant de plusieurs niveaux de sobriété individuelle, collective et structurelle, pour faire face aux enjeux de disponibilité et de conflits d’usage des ressources (énergie, matières, sols…) et à l’enjeu de limiter les impacts sur la biodiversité :
- Sobriété individuelle via les changements de comportements choisis et les éco-gestes : acheter local, baisser la température dans les logements, limiter ses trajets en avion, manger moins de viande, faire du vélo…
- Sobriété collective ou « organisationnelle » via des mesures à la main des pouvoirs publics : limitation de l’étalement urbain, taxe sur les gros véhicules, incitation à des changements d’usage….
- Sobriété structurelle grâce au développement « d’infrastructures de sobriété » : déploiement massif d’infrastructures ferroviaires et de mobilité active, soutien à une industrie automobile de petits véhicules…
La planification stratégique doit être renforcée pour améliorer la sécurité énergétique du pays mais aussi pour préserver la qualité de vie de nos concitoyens. La réflexion gouvernementale doit s’appuyer sur une approche par scénarios à partir de compétences nationales reconnues (comme par exemple celles portées par RTE) et en les appliquant à l’ensemble du secteur énergétique et pas seulement électrique.
De l’intérêt d’une approche par scénarios et par risques
L’approche par scénarios énergie-climat permet de confronter la robustesse d’une stratégie de transition énergétique avec des hypothèses d’avenirs contrastés, et pour certains indésirables mais hélas possibles, qui caractérisent le problème du climat et des autres limites planétaires.
Cette approche répond clairement aux exigences que requiert l’exploration énergétique et électrique car elle permet de se projeter dans le temps long et laisse de la place à la prise en compte de risques de différentes natures, mais aussi à l’exploration de voies nouvelles et non conventionnelles compatibles avec les lois physiques.
Nous réaffirmons que les études prospectives sont des outils vitaux pour le débat sur la transition énergétique, et nous pensons que davantage de moyens devraient leur être alloués. Il s’agit notamment de faire émerger, et de placer au cœur du débat public :
- Les options risquées : par exemple, exclure d’emblée certains modes de production d’électricité bas-carbone pour parier uniquement sur d’autres malgré les incertitudes – qualifiées dans les Futurs énergétiques 2050 de RTE – sur la capacité de chaque filière à se déployer à la bonne vitesse ; ou encore se contenter de mobiliser les leviers de décarbonation de l’énergie sans mobiliser les leviers d’efficacité et de sobriété, malgré les contraintes et les incertitudes sur la disponibilité à venir des ressources énergétiques bas-carbone et les capacités de nos puits de carbone.
- Les options sans regret : avoir des filières performantes sur tous les modes de production d’énergie bas-carbone ; profiter au mieux du potentiel des énergies renouvelables électriques ; investir dans le réseau électrique ; déployer les moyens de flexibilité pour permettre au système électrique d’accueillir de plus en plus d’énergies renouvelables intermittentes (interconnexions, vehicle-to-grid, flexibilité de la consommation etc), tel que préconisés par les Futurs énergétiques 2050 de RTE.
Les équipes de prospectivistes – en particulier celle de RTE, dont les travaux ont largement contribué à éclairer le débat sur la transition du système électrique, mais aussi l’ADEME, NégaWatt et le Shift Project – sont donc des interlocuteurs privilégiés sur lesquels les acteurs gouvernementaux pourraient s’appuyer afin de faire usage de leurs scénarios énergétiques et mieux anticiper les enjeux et opportunités d’adaptation. Le gouvernement doit par ailleurs faire preuve de courage politique en leur demandant d’explorer aussi des avenirs où toutes les conditions du succès ne sont pas réunies, pour mieux identifier les choix sans regret et les options à risque. Le Shift Project encourage cette discussion car les modèles, et plus largement les scénarios énergie-climat, demeurent des outils essentiels pour nourrir les réflexions stratégiques des décideurs politiques et y inclure l’instabilité grandissante du système économique mondial (crises géopolitiques, risques d’approvisionnement sur les matières premières critiques, crises économiques, inflation etc.).
CONCLUSION – Pour une politique énergétique des résultats
Le volet programmatique de la politique énergétique française relève d’une urgence maintes fois soulignée par le Shift Project et les Shifters. Nous avions salué la création en juillet 2022 du Secrétariat Général à la Planification Ecologique (SGPE), dont les travaux étaient très attendus pour concevoir une politique à la hauteur des enjeux historiques, alors que les effets du changement climatique s’accélèrent et que nos ressources fossiles se raréfient. Un texte « de souveraineté énergétique » nous semble constituer son indispensable véhicule, ambitieux et cohérent, pour la décarbonation et l’autonomie stratégique du pays, à la condition de prendre en compte les orientations que nous proposons, déterminantes pour la sécurité énergétique et le bien être français.
Une action résolue de la puissance publique doit s’affirmer pour coordonner tous les instruments dont il dispose vers ce virage important, comme la redirection des moyens industriels dont il a la maîtrise directe ou indirecte vers des activités servant l’intérêt souverain de la Nation[10].
En 2022, les importations d’énergies fossiles consenties pour maintenir l’activité économique française ont pesé 110 milliards d’euros [11] dans le déficit commercial de la France : un niveau record 2,6 fois supérieur à l’année précédente, qui fait doubler le déficit commercial du pays cette année-là[12]. Par comparaison, la perte historique de disponibilité du parc nucléaire avec le phénomène de corrosion sous contrainte a coûté 7,5 Md€ au pays en importation d’électricité et en électricité générée selon RTE. De plus, il conviendrait d’ajouter à ce coût direct les coûts indirects liés à l’inflation survenue les mois et années qui ont suivi.
La dépendance aux énergies fossiles et leur moindre disponibilité en Europe suite à la guerre en Ukraine induit une moindre expansion de l’activité (économique ou individuelle) en dépendant, voire sa contraction. Ces contraintes physiques se répercutent en particulier sur les industries énergo-intensives et les ménages les plus modestes (capacité à se chauffer, se déplacer, acheter des biens et services), via une inflation sur les produits énergétiques et sur l’ensemble des produits dont la chaîne de valeur dépend.
Le choc économique dû à la crise énergétique de 2022 secoue encore durement le pays tout entier et particulièrement les ménages les plus modestes. Une souveraineté énergétique plus poussée pour notre pays, si elle avait été acquise à cette date, aurait probablement contribué à conserver des marges de manœuvre budgétaires. Celles-ci seront d’autant plus nécessaires à la préparation du tissu économique national aux défis climatiques et énergétiques à venir.
[1] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2022/7-bilan-energetique-de-la-france – voir le diagramme de Sankey : 600 à 700 TWh = Somme de l’électricité produite (nucléaire + hydraulique + ENR, y compris exportations, et hors gaz) + ENR thermiques et déchets. Chiffres 2021 (hors situation exceptionnelle de corrosion sous contrainte sur le parc nucléaire)
[2] L’énergie finale est l’énergie livrée au consommateur (carburants à la pompe, électricité au bout de la prise, etc.) après transformations par l’homme, par opposition à l’énergie primaire qui désigne les sources d’énergie disponibles dans la nature avant transformation (source : https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/energie-primaire-et-energie-finale-en-france-quelle-difference )
[4] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-de-lenergie-edition-2023
[5] L’empreinte carbone de la France est supérieure aux émissions de CO2 issues du territoire national : 625 Mt CO2eq contre 423 Mt CO2eq (y compris les émissions liées aux exportations) en 2019, soit 48 % d’émissions en plus. Les émissions liées à la consommation intérieure (en retirant les émissions domestiques liées aux exportations), sont de 300 MtCO2eq pour la France. Les émissions de GES mondiales sont dues à 60% à l’usage de l’énergie, en ordre de grandeur on peut retenir que notre consommation domestique d’énergie représente les deux tiers de la consommation d’énergie finale totale nécessaire au maintien de notre mode de vie.
[6] Plus d’informations dans nos rapports : » Gaz naturel : quels risques pour l’approvisionnement de l’Union européenne ? » et « Pétrole : quels risques pour les approvisionnements de l’europe ? »
[7] https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/06/5c69b301c13d5d591078031ffbde23156227028c.pdf – Voir page 29
[9] https://theshiftproject.org/article/decarbonation-du-batiment-concertation-publique-juillet2023/
[10] La réorientation de l’activité des entreprises dont l’état a la maitrise peut poser des difficultés de respect du droit des actionnaires minoritaires. Dans ce cas, l’Etat pourrait proposer au vote de l’Assemblée Générale des actionnaires une raison d’être statutaire incluant la souveraineté nationale dans les objectifs de l’entreprise.
[11] Chiffres clés de l’énergie 2023 publiés par le Ministère de la Transition énergétique : sur 116,3 milliards d’euros de facture énergétique 2022, 58,8 sont dûs au pétrole (x1,8 par rapport à 2021), 46,7 au gaz (x3,4 par rapport à 2021), 3,5 au charbon (x2,4 par rapport à 2021) et 7,5 à l’électricité (qui en 2021 avait rapporté 2,1 milliards d’euros). En additionnant le pétrole, le gaz, le charbon et en retranchant l’électricité, on obtient environ 110 milliards d’euros. Notons qu’une partie de l’électricité importée constitue une importation indirecte d’énergie fossile, celle-ci ayant été produite chez nos voisins européens avec une partie de charbon et de gaz.
[12] Selon le Rapport 2023 sur le commerce extérieur publié par la Direction générale du Trésor, le déficit commercial « atteint 164 Md€, soit une dégradation de 78 Md€ sur un an, imputable quasi exclusivement (à 86%) à la facture énergétique »
Co-rédacteurs et relecteurs : Héloïse Lesimple, Nicolas Raillard, Jean-Marc Jancovici, Matthieu Auzanneau, Jean-Noël Geist et Théo Wittersheim pour The Shift Project ; Alexandre Barré du Domaine Débat Public et le Cercle Thématique Énergie pour The Shifters.
Contact – Jean-Noël Geist, responsable des affaires publiques
jean-noel.geist@theshiftproject.org – 06 95 10 81 91