Quelle est la place du nucléaire dans la consommation d’énergie française ?

Share:

02 mai 2007 : au cours d’un débat qui a fait date, les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle française se sont écharpés sur le poids du nucléaire dans la production d’électricité. « La moitié de notre électricité est d’origine nucléaire » annonce l’un, sûr de lui. « 17% seulement » raille l’autre, avec la même assurance. Qu’en est-il vraiment ?

Nucléaire françaisLes commentateurs s’en donnent à cœur joie : ces présidentiables ne connaissent décidément rien au dossier énergétique, puisque de toute manière le nucléaire représente « 78% » de l’électricité produite. Comment ont-ils pu se tromper aussi grossièrement ? Et d’où viennent ces chiffres sortis de leurs chapeaux ? Etant donné l’actualité de cette année en matière d’énergie, le débat ne devrait pas manquer d’être à nouveau mis sur la table en 2012. C’est donc l’occasion de faire le point sur cette question centrale : quelle est aujourd’hui la véritable place du nucléaire dans la consommation d’énergie des français ?

Le nucléaire représente 74,3% de la production d’électricité en 2010, et près de 80% de la consommation intérieure française

Électricité produite par filière en France en 2010

Puisque le seul usage de l’énergie nucléaire est de produire de l’électricité, mis à part ses utilisations militaires que nous écarterons ici, focalisons-nous d’abord exclusivement sur la problématique électrique, comme l’avaient fait nos candidats. D’après RTE, la France (métropolitaine, sans la Corse) a ainsi produit, en 2010, 548,7 TWh d’énergie électrique, dont 407,9 TWh d’électricité d’origine nucléaire, ce qui porte à 74,3% le poids du nucléaire dans notre production d’électricité. Ce chiffre représente un record mondial absolu : la seconde place du podium est détenue par la Suisse, avec seulement 40% d’électricité d’origine nucléaire dans sa production.

On notera en passant que notre production d’électricité est légèrement supérieure à notre consommation, puisque nous en exportons chez nos voisins (31,2 TWh en 2010). Le ratio de la production d’électricité nucléaire sur notre consommation intérieure est donc légèrement plus élevée, proche de 80%.

Les centrales nucléaires représentent près de la moitié des capacités de production d’électricité installées en France en 2011

Capacité de production électrique par filière en France au 01/01/2011Cependant, s’en tenir à l’énergie produite ne reflète pas nécessairement la réalité des installations industrielles. Les centrales électriques doivent à chaque instant adapter leur production à une consommation d’électricité changeante, et donc leurs capacités maximales ne sont pas toujours sollicitées.

Par exemple, les centrales nucléaires fonctionnent « en équivalent pleine puissance » environ 7000h par an (soit 80% de l’année, le reste étant dévolu à la maintenance), contre 4000h pour les centrales à gaz (surtout en hiver, lorsque une demande plus importante d’électricité pour le chauffage fait monter le prix de l’électricité et rend rentable leur démarrage) ou quelques 2000h à 3000h pour les éoliennes (qui ne peuvent fonctionner que s’il y a suffisamment de vent).

La France dispose ainsi, au 1er janvier 2011, d’un parc de production électrique d’une capacité totale de 123,3 GW, dont 63,1 GW de réacteurs nucléaires. Sous cet angle de vue, on est bien proche de « la moitié » annoncé par un candidat, même s’il a confondu énergie produite et capacités de production.

41% en « énergie primaire » et 17% en « énergie finale » : c’est le le poids de l’uranium destiné à la production électrique dans la consommation d’énergie française

Consommation d'énergie finale en France en 2010Enfin, il faut rappeler que l’électricité ne représente qu’une partie de l’énergie consommée en France. Mais il existe plusieurs manières de compter les consommations d’énergie. La comptabilité en « énergie finale » décompte ce qui est facturé effectivement par le consommateur final (ex : essence à la pompe, électricité ou gaz de ville au compteur) : l’électricité représente 22,3% de cette consommation.

La comptabilité en « énergie primaire », elle, décompte l’énergie sous la forme à laquelle nous l’exploitons lorsqu’elle se trouve dans la nature (ex : pétrole, uranium, vent). Elle tient ainsi compte de l’énergie perdue dans les procédés de transformation des ressources énergétiques, comme la chaleur que doivent nécessairement évacuer les centrales électriques thermiques, qu’elles « brûlent » de l’uranium ou un combustible fossile (charbon, pétrole, gaz). La consommation des produits destinés à notre production d’électricité représentent alors 43,3% de notre consommation d’« énergie primaire ».

Consommation d'énergie primaire en France en 2010L’uranium destiné à la production électrique représente ainsi 41% de notre consommation d’énergie primaire, et l’électricité d’origine nucléaire un peu plus de 17 % de notre consommation d’énergie finale. Ce deuxième chiffre est bien celui annoncé par un des deux candidats, sauf que cette fois-ci la confusion portait sur la distinction entre l’énergie en général et l’électricité en particulier. Comme quoi, il est très facile de dire n’importe quoi avec de chiffres pourtant exacts, du moment que les concepts manipulés sont mal connus. Espérons que les politiques se pencheront un peu mieux sur les subtilités du dossier de l’énergie avant 2012 !

 

 

 

Sur une idée originale de Julien Mauvignant et Léo Benichou. Avec l’analyse d’Adrien Maurin.


Share: