Aller au contenu principal

01 octobre 2025

Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ?

Publication du rapport final

Lire la synthèse

Rapport final

L’équipe Numérique du Shift Project a le plaisir de publier son rapport final « Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ? ».

Vous pouvez télécharger :

À propos de la publication

En plein « phénomène IA », The Shift Project a choisi d’éclairer le sujet avec son prisme : la vision physique. Pour ce faire, nous avons étudié une composante clé des infrastructures du numérique, la filière centre de données, et la manière dont elle se construit en interaction avec l’intelligence artificielle, principal déterminant de ses dynamiques aujourd’hui. 

Le programme numérique du Shift Project (voir l’ensemble de nos travaux) mène et documente depuis plusieurs années une réflexion sur les pratiques et actions qui permettent de limiter les impacts environnementaux directs et indirects du numérique, sans empêcher l’effet net des potentiels leviers qu’il propose en matière de transition écologique. 

Le numérique est un secteur non négligeable : il représentait déjà 3 à 4 % des émissions mondiales en 2020 (The Shift Project, 2021), soit du même ordre que l’intégralité des poids lourds dans le monde (IEA, 2021) et avec une augmentation de 6 %/an en moyenne de cette empreinte. À l’échelle française, il représentait 4,4 % de l’empreinte carbone du pays en 2022 (ADEME, 2025). 

Ce nouveau projet trace le contour de la manière dont le déploiement généralisé de l’IA infléchit ces dynamiques déjà insoutenables. Il éclaire les pistes à suivre pour réorienter vers la soutenabilité énergie-carbone nos choix technologiques, qui sont de véritables choix politiques, économiques et stratégiques. 

Lire la synthèse

La consommation et l’empreinte des centres de données augmentent de manière forte, brutale et non anticipée

Dans le monde, contrairement à de nombreuses prévisions, la consommation électrique des centres de données est loin d’être endiguée par l’efficacité énergétique : l’explosion de l’offre de puissance informatique pourrait mener à une multiplication par 3 entre 2023 et 2030. 

En 2024, plus de la moitié de la consommation mondiale d’électricité consommée par les centres de données est d’origine fossile, et leur demande future est de même nature : loin d’être des outils de décarbonation, ces infrastructures sont avant tout un problème supplémentaire à gérer. 

En prenant en compte les impacts de production et de construction (25 % du total), les tendances actuelles pourraient mener la filière des centres de données à doubler  ou quadrupler son empreinte carbone, jusqu’à émettre 920 MtCO2e/an en 2030, soit l’équivalent de 2 fois les émissions annuelles de la France.

L’empreinte des centres de données augmentant à un rythme de + 9 %/an, chaque année sans prendre de mesure revient à accepter l’ajout de 50 MtCO2e annuelles aux émissions humaines, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’élevage français. 

Pour respecter un objectif de décarbonation de la filière de – 90 %, même avec la décarbonation la plus ambitieuse possible de leur électricité et de leur production, les centres de données ne peuvent pas dépasser le seuil de 1000 TWh de consommation annuelle. Les trajectoires de déploiement actuelles sont donc incompatibles avec la double contrainte carbone, qu’importe les progrès technologiques. 

  • 6 %

    par an : c'est l'augmentation moyenne de l'empreinte carbone annuelle du numérique
  • 7,5 %

    VS 2% aujourd'hui. C'est la part des centres de données dans la consommation électrique française, si les annonces récentes se réalisent
  • 2,5 %

    c'est la consommation totale d’électricité des centres de données en Europe. avec une progression de 7 %/an. Elle pourrait doubler entre 2023 et 2030, et tripler à 2035.

L’Europe et la France : cas d’école de la double contrainte carbone

En Europe, les centres de données représentent déjà 2,5 % de la consommation totale d’électricité, avec une progression de 7 %/an. Elle pourrait doubler entre 2023 et 2030, et tripler à 2035. 

Par ailleurs, la répartition géographique de ces infrastructures n’est pas homogène : c’est au niveau local que les pressions se ressentent le plus. En Irlande, près de 20 % de la consommation nationale est captée par les centres de données, autant que toute l’industrie du pays. Là-bas comme à Amsterdam, des moratoires de fait se mettent en place devant l’ampleur de la demande des centres de données, qui dépasse les capacités du réseau électrique. 

En France, les centres de données représentent environ 2 % de la consommation totale. Cette consommation pourrait quadrupler à 2035.  

En 2035, les centres de données pourraient représenter jusqu’à un quart du supplément d’électricité consommée par rapport à 2020. Cette consommation n’ayant pas été anticipée aujourd’hui, laisser la tendance actuelle se poursuivre et les annonces récentes se réaliser induit un réel risque de mise en danger de la transition énergétique, notamment pour les secteurs dont la décarbonation complète ne pourra passer que par l’électrification.  

Enfin, en plus de la pression sur les systèmes énergétiques, d’autres externalités doivent être prises en compte au niveau local. C’est le cas de la concurrence d’usage de l’électricité et de l’eau avec secteurs (industriel et agricole par exemple), création d’emploi, attractivité économique, etc. 

IA & climat : réorienter nos choix technologiques jusqu’à la compatibilité carbone 

L’intelligence artificielle désigne les applications d’automatisation les plus avancées, à un moment donné, en matière de traitement de l’information, de complexité des tâches, de précision et de fiabilité. 

Le phénomène « IA générative » est le principal déterminant des dynamiques de la filière centres de données, de par sa grande intensité en calcul. C’est bien l’offre de calcul qui détermine la trajectoire aujourd’hui suivie par la filière. 

De la phase d’entraînement à la phase d’utilisation, un modèle d’IA générative mobilise d’autant plus de ressources matérielles et informatiques qu’il est de grande taille, polyvalent, précis, qu’il a un grand nombre d’utilisations etc.  

Malgré les efforts d’optimisation des acteurs de l’IA, cette empreinte a continué d’augmenter au cours des 10 dernières années : l’amélioration technologique ne suffisant pas, il est nécessaire de prioriser les cas d’usage. 

L’IA, comme le numérique en général, est un catalyseur : elle accélère le système dans lequel on la place. La déployer de manière généralisée, c’est donc construire une IA qui sera tout autant fossile que l’économie dans laquelle on la place. Tout déploiement doit donc être conditionné à la vérification de sa compatibilité avec la contrainte carbone : trajectoire sectorielle ou territoriale, bilan carbone et objectifs climatiques d’une organisation…

Si la solution ne peut être déployée de manière à être compatible avec la double contrainte, alors elle doit être abandonnée, remplacée par des solutions sans IA, voire sans numérique, à l’impact moindre.  

Notre rapport propose une méthodologie par étape pour répondre à ces questions de manière systématique, exhaustive et à la bonne échelle.

Comment reprendre la main sur ces dynamiques ? 

Trois grands objectifs sont à poursuivre : 

  • Anticiper : il est indispensable de recenser et suivre les sites, tout en dotant le secteur numérique et la filière centres de données d’une trajectoire carbone-énergie de référence, dans la SNBC3 et les autres exercices de planification aux niveaux français et européen. Le recensement doit être contraignant et son respect doit être contrôlé.  
  • Discerner : tout déploiement d’une solution d’IA doit s’accompagner d’une analyse de pertinence, notamment dans les organisations, afin d’identifier et de prioriser uniquement les applications compatibles avec les trajectoires climatiques des organisations. 
  • Réorienter : conditionner les déploiements des centres de données à leur compatibilité avec la trajectoire de référence du secteur, et abandonner les solutions d’IA ne pouvant être rendues compatibles avec la contrainte carbone grâce aux leviers de conception (optimisation et altération voire abandon de fonctionnalités) et de déploiement (restreint et ciblé plutôt que large et indifférencié). 

4 familles de leviers pour agir

Pour les atteindre, les parties prenantes des centres de données et de l’IA doivent simultanément mobiliser les quatre familles de leviers dont elles disposent : 

  • Mesure et transparence : assurer un suivi public de la filière et la transparence des services d’IA. 
  • Optimisation : limiter l’empreinte environnementale des solutions d’IA et des équipements associés et suivre les référentiels sur l’IA frugale. 
  • Réorganisation collective vers la sobriété : définir et faire respecter une trajectoire plafond de consommation électrique des centres de données. 
  • Formation & compétences : ne pas réorienter les ressources de formation et le débat public vers l’IA plutôt que vers la transition environnementale.

SUIVEZ LE LIVE !

L'équipe

  • Maxime Efoui-Hess, coordinateur du programme « Numérique », The Shift Project
  • Hugues Ferreboeuf, chef de projet « Numérique », The Shift Project
  • Marlène De Bank, ingénieure de recherche « Numérique », The Shift Project
  • Pauline Denis, ingénieure de recherche « Numérique », The Shift Project
  • Alexandre Theve, Membre du groupe expert « Numérique », The Shift Project

 

Remerciements

Nos dernières publications

Toutes les publications