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24 avril 2025

La souveraineté par la décarbonation : voie nécessaire pour la France et l’Europe

Le Shift publie une nouvelle note

Souveraineté, souveraineté : le mot est sur toutes les lèvres, et non sans raison. La conflictualité augmente, chacun veut maîtriser son destin face à l’incertitude et à l’adversité. Économique, industrielle, sanitaire, numérique militaire, politique… : point de souveraineté sans sa base matérielle, donc sans maîtrise de son énergie.

L’équipe du Shift a le plaisir de publier sa note « La souveraineté par la décarbonation : voie nécessaire pour la France et l’Europe » en version intermédiaire, qui vous propose de découvrir deux nouvelles notions : empreinte énergétique et exposition énergétique.

Bien qu’elle soit déjà le fruit d’un travail collectif, cette note  intermédiaire est encore un document de travail incomplet et voué à évoluer. Dans cette logique, nous vous encourageons à apporter directement vos remarques, critiques et propositions dans cette version collaborative du document.

Vous pouvez également consulter le tableur qui nous a permis de réaliser nos calculs.

Lire la note

Webinaire de présentation

Le 26 mai de 18h30 à 20h30 sur Zoom et LinkedIn Live, l’équipe du Shift aura le plaisir de vous présenter cette note au cours du webinaire “Souveraineté et décarbonation : même combat”. Deux problématiques animeront la soirée : Comment penser la souveraineté sous contrainte énergétique ? Quelle place pour la souveraineté dans le Programme d’action du Shift pour 2027 ? Découvrir le programme

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Edito

La France et l’Europe le redécouvrent à leur dépens : toute puissance exige des sources adéquates d’énergie. Nulle puissance n’est aussi grande et malléable que celle que confèrent les énergies fossiles. A condition d’en maîtriser l’accès.

L’emprise des grandes puissances productrices d’énergies fossiles sur l’Europe vient du fait que celle-ci importe presque tout le pétrole et le gaz naturel qu’elle consomme. En réduisant ses achats d’hydrocarbures à la Russie, l’Europe a accru sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Mais le lien de dépendance à l’égard de la Russie n’en est pas pour autant rompu : entre 2021 et 2024, la France a par exemple baissé de 24 % sa consommation de gaz, pourtant un tiers de ses importations de gaz naturel liquéfié provenait l’an dernier de Russie. Par ailleurs, la France comme l’Europe sont tributaires de « l’énergie grise » incorporée dans les produits qu’elles importent, notamment de Chine, puissance industrielle fondée sur le charbon.

L’industrie européenne est menacée de récession parce qu’elle a fait largement reposer sa compétitivité sur le gaz naturel, une ressource dont elle était vouée à perdre la maîtrise. Hors de Russie en effet, la seule source importante d’hydrocarbures en Europe, la mer du Nord, se tarit depuis plus de vingt ans. Inexorablement et sans surprise. Malgré cette raréfaction, malgré ses objectifs de décarbonation, malgré enfin la menace de Moscou, l’UE a laissé croître de 20 % sa consommation de gaz naturel entre l’invasion de la Crimée en 2014 et la veille de l’invasion de l’Ukraine en 2021. 

Pour reconquérir sa souveraineté économique et tenir ses objectifs climatiques, l’Europe ne doit plus dépendre d’énergies fossiles largement épuisées sur son territoire. L’UE doit miser sur les sources d’énergie qu’elle peut contrôler localement : renouvelables et nucléaire.

Souveraineté et décarbonation constituent par conséquent un seul et même défi. Pour relever ce défi, l’Europe doit regarder en face les limites à sa puissance. Pour des raisons à la fois physiques et industrielles, nos sources domestiques d’énergie bas-carbone ne sauraient à elles seules maintenir la puissance économique mobilisée aujourd’hui grâce aux énergies fossiles. 

Pour le climat et pour son indépendance stratégique, la France comme l’Europe n’ont pas d’autre choix que de réorganiser leurs fonctions économiques vitales – industrie, agriculture, transports, services, etc. – de façon à ce que celles-ci soient aussi peu consommatrices que possible de charbon, de pétrole et de gaz. Conjuguer électrification, efficacité et sobriété permettra de montrer le chemin pour stopper la catastrophe climatique, tout en échappant aux contraintes croissantes qui ont commencé à s’exercer sur notre accès aux énergies fossiles.

Les notions inédites d’exposition et d’empreinte énergétique éclairent un angle mort au croisement des problématiques de souveraineté et de décarbonation, et apportent une bonne nouvelle : l’énergie nécessaire à l’économie française est très majoritairement consommée en Europe (à 80%). La France, grâce à son appartenance à l’Union Européenne, peut donc agir. Nous proposons dans cette note une définition de ces notions nouvelles, et nous détaillons leur chiffrage pour le cas spécifique de la France.

Matthieu Auzanneau, Directeur du Shift Project

À propos de la publication

La France exposée à des risques énergétiques :
Comment les notions d’empreinte énergétique et d’exposition énergétique éclairent nos vulnérabilités et l’impératif de souveraineté énergétique

Parce que l’énergie est indispensable à l’économie, nos décideurs politiques doivent, plus que jamais, accorder une attention particulière à la politique énergétique du pays, et activer l’ensemble des leviers pertinents permettant d’accélérer la transition bas-carbone, condition nécessaire pour notre souveraineté énergétique.

En 2024 nous avions publié une première analyse du volet programmatique du projet de Loi (PJL) Souveraineté Énergétique déposé puis retiré en janvier 2024 par le gouvernement. Celui-ci adressait un sujet central et urgent pour le pays mais le texte contenait de trop nombreux angles morts pour permettre la mise en œuvre d’une politique énergétique à la hauteur des enjeux et ramenait le débat public sur une opposition nucléaire contre renouvelables.

Un an plus tard, le gouvernement s’apprête à publier une nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE-3) avant l’été et les parlementaires réclament un débat et une loi pour décider de la politique énergétique du pays. Le Shift Project a souhaité poursuivre son analyse et mettre en lumière les dépendances énergétiques actuelles de la France pour encourager le pays à miser sur tous les leviers capables de bâtir une économie post-énergies fossiles, plus sobre en énergie et en matières.

Nos calculs ont permis de chiffrer :

  • D’une part l’empreinte énergétique de la France, c’est-à-dire la quantité d’énergie consommée annuellement pour produire et utiliser les biens et les services que consomment les français. Cette énergie peut avoir été consommée sur le territoire ou en dehors. L’empreinte énergétique n’inclut donc pas l’énergie utilisée pour produire les exportations françaises de biens et services. Elle est le pendant de l’empreinte carbone, appliquée à l’énergie.
  • De l’autre, l’exposition énergétique de l’économie française, c’est-à-dire la quantité d’énergie consommée annuellement par l’économie mondiale pour produire les biens et les services que consomment les français et les clients hors-territoire des entreprises localisées en France. Elle permet de mettre en valeur des facteurs contraignants auxquels est exposée l’économie française via l’énergie : sa sensibilité aux conflits commerciaux et géopolitiques, aux évolutions de prix, de politiques et de disponibilités sur les sources d’énergie. Ces facteurs contraignants sont aujourd’hui portés premièrement par notre dépendance aux énergies fossiles.

Ces deux grandeurs apportent une vision complémentaire du système énergétique, l’une concentrée sur la consommation des français, l’autre sur le fonctionnement de l’économie française. Elles dépassent le simple calcul de l’énergie consommée sur le territoire français. Pour penser la politique énergétique du pays, il est nécessaire d’appréhender à la fois la quantité d’énergie nécessaire au mode de vie des français et le niveau de risque de notre économie associé à nos dépendances énergétiques.

La souveraineté énergétique de la France passe nécessairement par la décarbonation, y compris au-delà du territoire national

La dépendance énergétique de la France ne se limite ni à l’énergie produite, ni même à l’énergie consommée sur son territoire, il faut raisonner en empreinte : actuellement, le mode de vie des Français nécessitait trois fois plus d’énergie que celle produite sur le territoire national, soit 2112 TWh nécessaires contre une production domestique d’énergie de 681 TWh.

La décarbonation est un outil de souveraineté : L’exposition de l’économie française est constituée à 71 % d’énergie fossile, soit plus de 2123 TWh sur les 3005 TWh d’exposition énergétique.  Elle doit être considérée à risque élevé.

Décarboner et réindustrialiser à l’échelle européenne permettrait de réduire drastiquement le risque énergétique pesant sur l’économie française : 80 % de notre exposition énergétique concerne de l’énergie consommée en France et en Europe, soit 2399 TWh sur les 3005 TWh d’exposition.

Il faut pousser tous les leviers de décarbonation : électrification, électricité renouvelable et nucléaire, biomasse, chaleur bas carbone, sobriété et efficacité

  • Accélérer l’électrification des usages et l’évolution de nos infrastructures : électrifier massivement nos usages est la priorité pour sortir des énergies fossiles, et planifier largement le démantèlement progressif de nos infrastructures fossiles.
  • Appuyer l’indépendance énergétique de la France sur un mix énergétique bas-carbone, robuste et diversifié : énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, hydroélectricité, biomasse, géothermie, etc.) comme le nucléaire (EPR, SMR, RNR, et nucléaire historique), adapter le réseau électrique et développer les carburants bas-carbone et  filières de chaleur et de froid renouvelables.
  • Adopter une approche par minimisation des risques sur l’évolution du système énergétique et maximiser les choix sans regret.
  • Engager des politiques de sobriété et d’efficacité, d’un point de vue structurel, organisationnel, et individuel. En effet, sans sobriété et efficacité pour baisser notre demande totale en énergie, la souveraineté énergétique du pays et nos objectifs de décarbonation ne pourront pas être assurés, à court, moyen et long termes.
Figure 1 – L’énergie en France : Production, Consommation et Empreinte énergétique du pays (en énergie finale (TWh), 2018) (Calculs The Shift Project 2025, données GLORIA et SDES)
Figure 2 – Part d’énergies fossiles dans l’exposition énergétique de la France (% d’énergies fossiles et TWh d’énergie finale, 2018) (Calculs The Shift Project 2025, données GLORIA et SDES)

Contacts

 


Cette publication a été réalisée en collaboration avec l’association The Shifters, qui apporte un soutien bénévole massif au Shift Project. Pour les rejoindre, rendez-vous ici : www.theshifters.org

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