25 juin 2019
« Petite Loi Énergie »
Le Shift Project plaide pour un renforcement des outils de politique climatique
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Le Shift Project plaide pour un renforcement des outils de politique climatique
Lire la notePetite Loi énergie, grands enjeux climatiques. Le dérèglement climatique se fait tous les jours plus prégnant, la sécurité énergétique de la France dépend pour moitié de pays producteurs de pétrole ayant irrémédiablement passé leur pic de production, et la mobilisation de la société civile et la préoccupation des Français grandit.
C’est dans ce contexte que The Shift Project propose que plusieurs mesures soient inclues dans la « Loi Énergie » débattue au Parlement français durant l’été 2019. Les objectifs climatiques et les moyens mis en œuvre peuvent et doivent être renforcés. Notamment, il s’agit de relever le défi de la définition de la « neutralité carbone » et plus largement de la nécessaire hausse du niveau d’ambition ; de rendre plus opératoires les outils de pilotage nationaux et territoriaux : transformer la SNBC en loi, renforcer les SRADDET ; de mettre en cohérence les missions des agences de l’État avec l’objectif de lutte contre le dérèglement climatique.
Outre ces 4 propositions, The Shift Project rappelle l’enjeu crucial que constitue la rénovation énergétique, pour laquelle la qualité de l’offre et le rôle des normes est particulièrement structurant car il n’existe pas de véritable demande intrinsèque : l’offre doit, adossée à la norme, susciter la demande. Ce n’est qu’ainsi qu’adviendront les puissants bénéfices de la rénovation énergétique : économiques, sociaux, climatiques, géopolitiques, de santé, etc. Le Shift apporte son soutient à la logique de signal réglementaire en faveur de la rénovation énergétique, qui doit être étalé dans le temps avec des échéances de mise en conformité. Ce signal réglementaire doit idéalement prendre la forme d’une obligation de rénovation énergétique des logements, à commencer par les plus émissifs de gaz à effet de serre et les plus énergivores. À ce titre, le Shift soutient par exemple l’inscription de la performance énergétique et climatique dans la définition du logement décent. Pour développer la rénovation énergétique, The Shift Project rejoint en grande partie les propositions du Pacte pour un pouvoir de vivre, et confirme que quatre actions a minima doivent être menées :
Il est nécessaire de donner à la neutralité carbone une définition plus précise afin que celle-ci soit alignée avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique et qu’elle assure une transition énergétique efficace.
En premier lieu, la définition doit être assortie d’une division des émissions de gaz à effet de serre par un facteur non seulement supérieur à 6, mais surtout supérieur à 8 pour que :
Toujours dans cette perspective, la définition des absorptions de carbone doit exclure les milieux maritimes et océaniques non anthropiques et dont la durabilité de la séquestration est difficilement démontrable. De même, les procédés industriels d’absorption du carbone doivent avoir prouvé leur efficacité, une durabilité de la séquestration en rapport avec l’efficacité climatique attendue, leur viabilité écologique et leur fiabilité. Notamment, il serait nécessaire de mettre en place un bilan carbone entre la fabrication, l’usage et la fin de vie des systèmes d’absorption de carbone et la quantité totale de carbone absorbée par ces systèmes.
Pour finir, la définition de la neutralité carbone ne peut s’entendre qu’en rapport à un territoire géographique identifié. Appliquer cette limitation au niveau national permettra d’éviter des transferts de compensation d’une région du monde à une autre. La référence géographique ouvre également la possibilité d’être utilisée sur la base du volontariat par des collectivités territoriales particulièrement ambitieuses dans le domaine de la transition écologique. La neutralité carbone ne doit pouvoir être revendiquée par un territoire qu’à partir d’une période supérieure à deux ans, afin d’éviter les politiques favorables sur le court terme mais défavorables sur le long terme – cette période pourrait être « glissante ». Enfin, les autres gaz à effet de serre (méthane, protoxyde d’azote essentiellement) qui représentent de l’ordre de 20% des émissions ne peuvent être absorbés en l’état actuel des connaissances. Il convient donc d’en limiter les émissions.
The Shift Project propose donc d’inclure dans le corps de la Loi énergie-climat la définition suivante de la neutralité carbone :
La neutralité carbone est entendue comme un état d’équilibre entre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (mesurées en CO2 équivalent par rapport à leur pouvoir réchauffant sur la base de la métrique GWP100) et les absorptions naturelles et anthropiques de CO2 sur un territoire donné.
De manière à respecter l’objectif de température de l’Accord de Paris, cet équilibre doit être assorti d’une division par un facteur supérieur à 8 des émissions de gaz à effet de serre anthropiques entre 1990 et 2050. La quantité restante d’émissions devra être équilibrée par les absorptions anthropiques.
Ces dernières correspondent d’une part au CO2 capté et stocké par les écosystèmes préservés ou gérés par l’homme tels que les forêts, les prairies, les sols agricoles, les zones humides et les systèmes côtiers à l’exclusion des mers et des océans, et d’autre part au CO2 capté et stocké par certaines technologies ou certains procédés industriels sur une durée indéfinie, tels que la biomasse dont la combustion est associée à la capture et au stockage du CO2, étant entendu que toutes ces modalités d’absorption devront sans exception prouver sur une période d’au moins 100 ans à la fois leur efficacité et leur viabilité écologiques.
Pour que l’état d’équilibre soit réputé atteint, le territoire doit avoir divisé par un facteur supérieur à 8 ses émissions de gaz à effet de serre, et équilibré la globalité des émissions résiduelles et absorptions anthropiques comptabilisées comme ci-dessus sur une période supérieure à 2 ans.
La neutralité carbone implique qu’une attention particulière soit portée à la réduction des émissions de gaz à effets de serre autres que le CO2. Cette définition de la neutralité carbone, qui vise à équilibrer émissions et absorptions territoriales, s’entend sans utilisation de crédits de compensation carbone internationaux.
[EDIT : L’Assemblée a donné, jusqu’à nouvel ordre, une définition partielle de la neutralité carbone, similaire à celle proposée par le Shift, en adoptant un amendement le 17 juin 2019.]
De fait, même si le dernier bilan fait par Eurostat met en évidence une évolution légèrement à la baisse des émissions de GES en 2018, le bilan annuel fait par le Ministère de la transition écologique et solidaire met plutôt en évidence une évolution inquiétante à long terme des émissions dans les secteurs clés d’émissions du pays que sont les transports (dépassement de 11 % des émissions 2017 par rapport à l’objectif) et le Bâtiment (dépassement de 23 % par rapport à l’objectif en 2017). Ces cibles fixées par décret SNBC ne possèdent clairement pas un poids normatif suffisant pour contraindre des mesures allant vers une réduction de ces émissions.
Élever le texte affichant ces objectifs au niveau législatif inscrira ces objectifs dans un dispositif plus à la hauteur des enjeux qu’ils représentent. Outre leur poids symbolique qui s’en trouvera renforcé, la mise en place d’une « loi SNBC » imposera la réalisation d’une étude d’impact, d’un passage en conseil des ministres et un contrôle réalisé par le Conseil d’Etat.
Une fois la loi promulguée, les textes réglementaires édictés par le gouvernement devront être compatibles avec la Loi. Le parlement pourra exercer sa mission de contrôle de l’application de ladite loi au titre de l’article 24 de la Constitution. Il pourra également évaluer l’adéquation des mesures prises par le Gouvernement pour juguler les émissions de GES (notamment concernant les montants d’investissement public), et ainsi placer le pays sur la voie d’une économie en phase avec la place de leader de la France en matière de lutte contre le changement climatique.
Dans la continuité de la SNBC, les Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET) proposent des recommandations relatives à l’aménagement du territoire, l’urbanisme et la protection de l’environnement, et visent aussi à réhabiliter des territoires dégradés.
Selon le cadre actuellement en vigueur, les objectifs et les règles fixés par les SRADDET doivent être compatibles avec ceux fixés par la SNBC et la loi. Le retard pris dans l’établissement de la SNBC et le retard pris dans l’élaboration des SRADDET des différentes régions impliquent un nécessaire report des échéances d’élaboration des SRADDET. Ainsi, il convient de donner plus de temps aux régions pour établir leur SRADDET, en demandant l’élaboration des SRADDET actuels pour fin 2020, qui pourront ainsi mieux prendre en compte la SNBC.
De plus, s’agissant de la révision des SRADDET, elle est cadencée par le renouvellement des Conseils Régionaux. Afin de replacer la lutte contre le changement climatique au cœur de la politique régionale, il serait plus judicieux de porter l’échéance de révision des SRADDET à 2 ans après la promulgation de chaque loi SNBC.
Les SRADDET constituent un outil important pour que les collectivités locales puissent élaborer des plans de protection de l’environnement, de lutte contre le changement climatique et en faveur de la transition énergétique.
Cependant, ils ont une force prescriptive insuffisante puisque l’article L4251-3 du Code général des collectivités territoriales dispose que ces schémas doivent être “pris en compte”, seulement, par les Schémas de Cohérence territoriale (SCOT) et les Plans locaux d’urbanismes (PLU), qui sont les outils opérationnels sur les déterminants profonds des questions énergie climat puisqu’ils touchent à l’urbanisme et au transport. La notion de “prise en compte” étant vague, les SRADDET voient donc leur portée fortement limitée et peinent à être une courroie de transmission efficace entre les ambitions de la Nation et celles des territoires.
The Shift Project propose donc que la force prescriptive de ces schémas soit revue à la hausse afin que les SCOT et les PLU soient contraints par les objectifs des SRADDET. Dans le même temps, l’absence d’application de l’ensemble des mesures nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés dans les SRADDET doivent faire l’objet d’une sanction, dont la nature est à préciser, vis-à-vis de la région.
The Shift Project recommande vivement l’inscription de l’objectif de lutte contre le changement climatique dans toutes les agences gouvernementales.
En effet, le gouvernement élabore différentes politiques publiques en faveur de la lutte contre le changement climatique et pour la transition énergétique, cependant ses organisations ne sont pas toujours adéquatement missionnées pour impulser et mettre en œuvre ces engagements.
Ainsi, certaines agences n’ont pas encore inscrits dans leurs missions l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique. C’est le cas de l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) dont les missions sont décrites à l’article L131-3 II du code de l’environnement. Or, cette mention est d’autant plus nécessaire que l’ADEME est un acteur incontournable de la politique énergétique du pays. The Shift Project propose donc de profiter du vote de la Loi énergie climat pour modifier l’Article L131-3 II du code l’environnement afin d’introduire dans les missions de l’ADEME l’élaboration de politiques énergétiques permettant d’atteindre à moindre coût les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par le gouvernement.
De manière générale, il est nécessaire que cet objectif soit inscrit dans les missions de toutes les autres agences gouvernementales afin de réaffirmer la position de leader de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique.
[EDIT : L’Assemblée nationale a souhaité confier à l’Ademe une telle mission, par un amendement du 17 juin 2019.]
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