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09 septembre 2025

Quel est le Bilan Carbone 2022 du Shift Project ?

Réalisé par Be-low & The Shift Project

The Shift Project publie son bilan carbone, réalisé avec Be-low

The Shift Project publie pour la première fois son Bilan Carbone, dit “de référence”, sur ses données d’activité de 2022. Ce projet a bénéficié de l’accompagnement bénévole de Be-low, cabinet de conseil en stratégie climat, qui a souhaité porter cette démarche volontaire pour le bien commun et à destination du public. Nous le remercions pour son aide. Le Bilan Carbone a été réalisé conjointement, et bénéficie de notre propre validation.

Ce projet a débuté en novembre 2023, avec une analyse portant sur les données 2022. Les bases de données disponibles à cette date ont donc été utilisées dans le cadre de cette étude (Base Carbone v23.1 de l’Ademe et tableur Bilan Carbone v8.9 ; la mise à jour en avril 2025 de certains facteurs d’émissions monétaires de l’Ademe n’a pas été prise en compte, les calculs étant déjà quasiment finalisés à cette date).

Nous avons plusieurs objectifs en effectuant cette publication. Tout d’abord, dans un souci d’exemplarité par rapport à notre discours, nous avons effectué ce que nous prônons pour d’autres acteurs : mesurer ses émissions pour mieux comprendre comment les réduire. Il s’agit donc de vous présenter les résultats de notre Bilan Carbone, pour bien comprendre les sources d’émissions de notre activité, et vous expliquer les suites que nous comptons donner à cette évaluation, notamment en termes de plan d’actions. Mais nous souhaitons aussi, et surtout, prendre du recul sur cet exercice et transmettre notre retour d’expérience. Cet article est une synthèse et ne présente donc pas tous les détails méthodologiques et de résultats, et par ailleurs les valeurs exactes ont été arrondies. Contrairement à un projet usuel du Shift, nous ne pouvons pas publier le tableur de calculs ayant été utilisé, car il s’agit du tableur de la méthodologie Bilan Carbone, qui n’est pas public. Nous accompagnons cependant la publication présente d’un PowerPoint donnant plus de détails sur les résultats.

Périmètre de l’exercice

Avant toute chose, pour interpréter les résultats de tout Bilan Carbone, il est important de rappeler le périmètre considéré. Le calcul des émissions a été réalisé sur l’année 2022, année un peu particulière pour le Shift car elle est celle de la publication du livre du PTEF, le Plan de Transformation de l’Économie Française. Imprimé et vendu en grande quantité (plus de 100 000 exemplaires), le PTEF a eu un impact important sur nos émissions en 2022. 

À noter toutefois que ce poste d’émissions n’est pas un poste revenant annuellement, le Shift faisant une publication de cette ampleur environ tous les 5 ans. D’autres livres imprimés en 2022 ont également été pris en compte, mais leurs impressions représentent des quantités moindres par rapport à celles du PTEF. 

Notons également que ce Bilan Carbone ne prend pas en compte les émissions de l’association des Shifters, qui nous apporte une aide précieuse sur de nombreux travaux (mais qui aurait nécessité un travail de collecte de données d’une toute autre ampleur !). 

Nous avons ainsi calculé l’empreinte carbone d’un peu plus d’une vingtaine de salariés du Shift et d’une petite quinzaine de chefs de projets prestataires, pour une activité mixte : événementiel, publication de livres, et activité de bureau quotidienne. Dans la suite de cet article, nous présenterons certains résultats avec et sans la prise en compte des livres imprimés en 2022. Cela permet de comparer la différence des émissions, et de se rapprocher de ce qu’est le Bilan Carbone du Shift lors d’une année sans grande publication de livres.

Analyse des résultats

Les émissions du Shift Project pour 2022 s’élèvent environ à 250 tCO2eq. Voici les principaux postes d’émissions, en prenant en compte les impressions des livres, ainsi que quelques détails sur certains postes.

Les intrants (84%)

On retrouve deux grandes catégories d’émissions dans les intrants : la fabrication des biens manufacturés en lien avec l’activité du Shift (estimée à partir de données physiques), et les achats de services (calculés à partir de données monétaires principalement).

En 2022, les achats de biens représentent 80% des émissions des intrants. Cette partie est essentiellement composée des émissions relatives à la fabrication des livres imprimés en 2022 : 113 500 livres PTEF, 2 000 livres “Vers la résilience des territoires – Pour tenir le cap de la transition écologique” et 3 500 livres “Décarbonons ! 9 propositions pour que l’Europe change d’ère”. 

Le dernier quart est constitué d’achat de services : services assurantiels, bancaires, informatiques, graphisme, etc. Ces émissions sont calculées sur la base de facteurs d’émissions monétaires de l’ADEME disponibles lors de la réalisation de l’étude en 2023. Comme évoqué en introduction, une importante mise à jour de ces facteurs d’émissions a eu lieu en avril 2025, modifiant de façon significative certaines valeurs dans la base de données. On peut noter qualitativement que si nous avions ré-effectué les calculs avec les nouvelles valeurs, nos émissions liées aux achats de services seraient plus basses : les nouvelles valeurs des facteurs, plus fins par activités et utilisant des données plus récentes, sont en effet plus basses que dans la précédente version de la Base Carbone de l’ADEME. 

L’alimentation des employés ou des participants aux événements est comprise dans ce poste « Intrants » mais n’en représente qu’une part très minoritaire (2% du total général), la nourriture consommée par les employés ou servie aux événements étant largement végétarienne, et donc peu carbonée.

La fin de vie des livres vendus (9%)

On considère ici les émissions liées au fait que les livres vendus en 2022 finiront comme des déchets à la fin de leur vie. On prend donc en compte à l’avance les émissions liées au traitement de ces déchets. 

Les déplacements (2%)

On retrouve dans cette catégorie à la fois les déplacements des salariés du Shift (déplacements professionnels et domicile-travail), et ceux des participants aux différents événements organisés par The Shift Project. Les déplacements professionnels des salariés du Shift représentent 77% des émissions des déplacements. Un déplacement en avion a été fait en 2022 sur une longue distance, impactant fortement les émissions des transports sur cette année (ce déplacement est inhabituel par rapport à une année classique). Sinon, l’utilisation du vélo, des transports en commun et du train est d’usage au sein du Shift, et contribue à un impact relativement faible des émissions liées aux déplacements des salariés.

Energie des bâtiments (1%)

L’utilisation de bâtiments, pour les locaux notamment et pour l’événementiel, entraîne des consommations d’énergie. Les émissions proviennent notamment du réseau de chaleur de Paris, puis d’utilisation de gaz et d’électricité.

Les autres postes d’émissions non détaillés, tels que les amortissements carbone des immobilisations (mobilier…), les déchets liés à l’activité de bureau ou événementielle, ainsi que la visualisation de contenus en ligne, sont très minoritaires (3% au total sur l’ensemble de ces postes).

La prise en compte de l’impression des livres PTEF en 2022 impacte significativement les résultats. Les PTEF constituent le plus gros poste d’émissions du Bilan Carbone : pour la fabrication des livres, leur transport, puis les émissions liées à leur fin de vie. Puisqu’il s’agit d’un poste inhabituel pour une année type du Shift, il est intéressant de considérer aussi les poids des différents postes une fois celui-ci retiré du total.

Hors impressions, les émissions du Shift Project sont largement réduites (de 250 tCO2eq à 60 tCO2eq). La part des intrants est toujours importante mais ce sont essentiellement les achats de services qui contribuent aux émissions des intrants. On voit cependant apparaître de façon plus importante les émissions liées aux déplacements (10%), à l’énergie consommée (6%), ou encore aux déchets de bureau (3%). 

Cette deuxième vue des émissions est davantage représentative des émissions du Shift Project sur une année classique, durant laquelle les publications sont bien plus réduites qu’en 2022.

Réaliser son Bilan Carbone : un défi opérationnel, même pour le Shift

Effectuer cet exercice nous a amenés à faire un constat qu’il nous paraît essentiel de partager : le Bilan Carbone est une démarche requérant du temps, et le prioriser parmi tous les enjeux opérationnels qui occupent nos quotidiens est un défi, qu’importe l’entreprise, l’institution, ou l’association concernée. Même pour une structure comme le Shift, dont le cœur de métier et les préconisations sont on ne peut plus alignés avec la démarche du Bilan Carbone, ce projet a en effet été difficile et long à mener, se heurtant aux difficultés classiques de l’exercice.

Réaliser un Bilan Carbone nécessite du temps pour avoir un résultat satisfaisant, et demande l’accès à des données réelles et physiques dans la mesure du possible, tout cela sur un exercice clôturé (un Bilan Carbone se faisant généralement a posteriori). Sans données d’activité de qualité, on ne peut pas produire d’évaluation fiable. Or l’accès à des données fiables est complexe, car il réclame un temps non -négligeable aux personnes concernées. L’écueil classique dans lequel le Shift est tombé est d’avoir sous-estimé ce temps : l’anticiper et le cadrer est nécessaire à ce que la collecte d’informations soit priorisée et intégrée dans un fil de travail cohérent, plutôt que de n’être qu’une tâche supplémentaire venant perturber le quotidien opérationnel des personnes sollicitées.

Pour ce faire, impliquer la Direction de l’organisation comme partie prenante à part entière de la démarche, dans son pilotage, son suivi et sa réalisation, est un ingrédient indispensable. Le soutien apporté à la démarche par les organes de gestion du Shift n’a pas été suffisamment opérationnel pour permettre à l’équipe interne en charge du Bilan carbone d’embarquer les équipes et réaliser le Bilan de manière fluide et rapide.

Un exercice indispensable et utile pour savoir comment agir sur sa décarbonation

En plus du défi opérationnel, notre premier Bilan Carbone nous réservait une surprise dans ses résultats : le poids particulièrement important de nos publications papier dans nos émissions globales. Sans cette analyse, nous n’aurions pas pris conscience de l’importance pour la structure de chercher à déployer des leviers  de décarbonation portant sur ce poste. Réaliser et mettre à jour son bilan régulièrement est essentiel : c’est ce qui permet de correctement appréhender les évolutions de ses émissions, et de faire éventuellement apparaître des années particulières qui rendent visibles des dimensions physiques insoupçonnées de son activité, comme l’année 2022 pour le Shift Project. Pour une organisation, un Bilan Carbone régulier est une stratégie pour comprendre les réalités physiques de son activité.

Des petits acteurs sont capables de réaliser des Bilans Carbone, avec l’expertise nécessaire, permettant d’accompagner le client dans la collecte de données pour avoir un résultat aussi satisfaisant que possible. Mais il ne faut pas oublier que la réalisation d’un Bilan Carbone complet et détaillé, donc exploitable, ne se fait pas en quelques jours, même dans les meilleures conditions. Cela demande un travail étalé sur plusieurs mois, pour embarquer les équipes au bon niveau, collecter les données, les exploiter, et permettre in fine d’obtenir un résultat satisfaisant et une bonne base de réflexion pour la structure concernée.

Le Bilan Carbone : un calcul d’émissions mais aussi et surtout un plan d’actions

Enfin, rappelons que le but de la réalisation d’un Bilan Carbone n’est pas seulement de calculer des émissions, mais également et avant tout de s’en servir comme constat de départ pour effectuer un travail de décarbonation (le “plan d’actions”). Nous avons donc décidé de ne pas déroger à la règle et de nous engager dans une démarche de réduction de nos émissions, tout comme nous appelons les autres acteurs à le faire.

Nous comptons par ailleurs poursuivre un “plan de maintien des actions”. En effet, une démarche de décarbonation implique bien sûr des actions de décarbonation, mais il s’agit également de continuer ou d’approfondir les actions déjà mises en place précédemment, pour que la décarbonation soit effective dans la durée.

Nous encourageons les organisations de toutes tailles à réaliser l’exercice du Bilan Carbone, et à se préparer en amont, notamment grâce à la documentation mise à disposition par l’Association pour la transition bas carbone (ABC), porteuse de la méthode Bilan Carbone.

Publication de livres

Nous avons l’intention de travailler en priorité sur notre plus gros poste d’émissions : la publication de livres “type PTEF”. Ce poste représente ~75 % des émissions de l’année 2022, ou encore ~35 % des émissions annuelles si on l’étale sur un cycle de 5 ans. Celui-ci devant être renouvelé en 2026, il s’impose comme la priorité à traiter pour réduire nos émissions.

D’autant plus lorsqu’on le met en regard d’autres postes qui sont, dans notre cas, déjà plutôt décarbonés : alimentation déjà fortement végétale, déplacements en vélo, transports en commun ou train privilégiés lors des déplacements professionnels…

Nous avons donc l’intention de travailler avec l’éditeur sur la décarbonation de notre prochain livre, prévu pour 2026, saisissant l’occasion de voir les possibilités, obstacles et potentiels des recommandations issues de nos travaux sur la décarbonation du secteur de l’édition.

Alimentation

Concernant l’alimentation, nous servons systématiquement de la nourriture végétarienne lors de nos événements, et comptons continuer ainsi ; quant aux déjeuners des employés les jours travaillés, les régimes choisis par les membres de l’équipe sont plutôt de nature “flexitarienne”, en moyenne.

Numérique

Concernant le volet numérique, le matériel informatique est conservé longtemps. Par exemple : en moyenne 6 ans pour les PC dont le Shift est propriétaire, avec une majorité déjà achetée d’occasion. Depuis fin 2023, les ordinateurs sont loués à la coopérative COMMOWN, avec un modèle visant à augmenter leur durée d’utilisation au-delà de 6 ans au Shift, ainsi que leur durée de vie totale.

Par ailleurs, le Shift met en place en 2025 des mécanismes évitant l’achat d’un terminal supplémentaire (carte SIM professionnelle, indemnité NTIC). Enfin, le nouveau site web 2025 du Shift Project a fait l’objet d’une tentative d’éco-conception, pour un résultat (note B sur ecoindex.fr, sur une échelle allant de A à G) en progression par rapport au précédent site conçu en 2018 (note E).

Transports

Concernant la politique de transports des salariés, la mise en place de l’indemnité kilométrique vélo puis du Forfait Mobilité Durable soutient les habitudes déjà ancrées des employés à utiliser des modes de transport peu carbonés pour leurs déplacements domicile-travail. Le train est la majeure partie du temps privilégié aux modes routiers lors des déplacements longue-distance. Le recours à l’avion ne se fait qu’en de très rares exceptions, explicitement justifiées et discutées, et uniquement lorsqu’il n’existe pas d’alternative significativement moins carbonée (ex : train) en moins de 5h30.

Locaux

À ce jour nous n’avons pas mis en place d’actions notables concernant le fonctionnement de nos locaux (chauffage, climatisation, éclairage…). Toutefois, l’occupation des locaux est intensive, avec à la fois du flex-office (sauf exception, espaces de travail non nominatifs attribués en fonction des usages, donc réduction des m² inutiles) et la mise à disposition des locaux en soirée et vendredi-samedi-dimanche à des bénévoles (association soeur The Shifters, Aéro Décarbo…). En revanche, suite à un récent déménagement en raison de la croissance de notre équipe et d’une volonté d’accueil accru de bénévoles, il est possible que ce poste augmente légèrement lors du prochain exercice.