Encadrer le prix du carbone n’équivaut pas à une taxe

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Le think tank The Shift Project publie une analyse dissipant le risque juridique qu’un corridor de prix du carbone aboutisse à une requalification du marché européen du carbone en une mesure fiscale.

Pour accéder à l’étude, cliquez ici.

The Shift Project défend depuis deux ans la mise en place d’un corridor de prix sur le marché européen du carbone, par le biais d’un prix de réserve aux enchères et des modifications de la Réserve de Stabilité du Marché (MSR). Ces propositions sont actuellement portées par le gouvernement français.

Le corridor de prix réconcilie l’objectif de réduction des émissions de CO2 au moindre coût avec l’objectif du déclenchement des investissements bas-carbone nécessaires pour maintenir le réchauffement climatique bien en dessous des 2°C. Il rend le signal prix du carbone explicite, prévisible et croissant. En donnant au prix du carbone sa pleine valeur incitative, il génère un bénéfice prévisible pour les investissements.

The Shift Project a commandé une étude pour répondre à l’objection principale émise notamment par la Commission Européenne : l’adoption de cette mesure transformerait le marché européen du carbone (EU ETS) en taxe, imposant l’adoption de toute décision à l’unanimité au lieu d’une majorité qualifiée.

L’auteur de cette étude est Maître Matthieu Wemaëre, avocat au Barreau de Paris et de Bruxelles, ancien collaborateur de l’unité Marchés carbone de la Commission européenne.

L’étude conclut qu’il n’existe ni obstacle juridique ni risque procédural à l’adoption d’un corridor de prix. Un corridor de prix sur l’EU ETS n’est ni plus ni moins attaquable que les effets attendus de la rareté des quotas. L’adoption d’un corridor de prix relève exclusivement de choix politiques.

Explications : 

L’étude dissipe le risque juridique qu’un corridor de prix du carbone aboutisse à requalifier le marché européen du carbone en une mesure fiscale (« taxe » ou « para-taxe »), en démontrant notamment que l’achat de quotas ne correspond pas à un prélèvement obligatoire mais bien à la cession d’un titre transférable. Il n’existe pas d’obstacle juridique à l’adoption un corridor de prix. Au contraire, il existe une solide base juridique.

L’étude dissipe le risque d’un éventuel blocage de la procédure d’adoption du corridor de prix au titre du régime dérogatoire de l’unanimité sur la base de l’article 192.2.a) du TFUE, dont un État membre pourrait réclamer l’application en arguant que le corridor de prix est une mesure fiscale.

L’étude analyse les limites d’un éventuel blocage de la procédure d’adoption du corridor de prix au titre du régime dérogatoire de l’unanimité sur la base de l’article 192.2.c) du TFUE, dont un État membre pourrait réclamer l’application en arguant que la mesure affecte sensiblement ses choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique :  

  • La charge de la preuve incomberait à l’État membre à l’origine d’un tel recours, qui devrait démontrer, étude économique à l’appui, que le corridor de prix affecte sensiblement son mix énergétique et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Par exemple en démontrant que le niveau du prix généré par le corridor déclenche le « switch » du charbon vers le gaz dans la production électrique.
  • Contester sur cette base la procédure d’adoption d’un corridor de prix revient à contester la politique climatique de l’Union européenne dans son ensemble, car c’est précisément l’objectif de l’EU ETS et des politiques climatiques de l’Union européenne de réduire les émissions des États membres, ce qui implique au premier chef de faire évoluer leur mix et donc leur approvisionnement énergétique.

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