The Shift Project salue le lancement du « Plan Vélo », premier de cette envergure, présenté par le Premier ministre le 14 septembre. Le Shift regrette néanmoins la faiblesse des moyens alloués, et le fait que la priorité n’en soit pas le maillage du territoire en infrastructures cyclables. Le développement du vélo bénéficie pour la première fois en France d’objectifs chiffrés ambitieux (passer la part modale du vélo de 3 % à 9 % d’ici 2024), et d’un budget national spécifique.
Des mesures ambitieuses pour un mode bas carbone
On peut saluer la volonté de reconnaître pour la première fois la pertinence de ce mode bas carbone, solution phare du rapport « Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité », publié par le Shift dans le cadre des Assises de la mobilité en septembre 2017. Cependant, la priorité n’est pas donnée à l’aspect le plus structurant et essentiel de la problématique vélo : proposer rapidement un maillage complet des aires urbaines en matière d’infrastructures vélo. De plus les moyens alloués au Plan vélo (350 millions d’euros sur 7 ans) sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu.
La France a « besoin de sobriété, en particulier en carbone, besoin d’attractivité dans les centres villes et besoin de solutions de mobilité à la fois pratiques et économes » rappelle Edouard Philippe vendredi dernier. Le gouvernement a choisi de structurer son action autour de 4 axes : 1/ la sécurité, 2/ la lutte contre le vol, 3/ créer un cadre favorable pour reconnaître le vélo comme un mode de déplacement à part entière, 4/ diffuser la culture du vélo dans la société. On peut saluer la multiplicité des considérations abordées, et un certain nombre de mesures ambitieuses, telles que l’apprentissage du vélo dès l’école primaire pour tous les jeunes d’ici 2022.
Infrastructures : au-delà de la résorption des coupures, priorité au maillage du territoire
Au niveau infrastructurel, ce plan est axé sur une logique de résorption des coupures liées aux ouvrages d’art, et non sur l’aspect le plus structurant et essentiel de la problématique vélo : le maillage complet du territoire en matière d’infrastructures vélo. Les objectifs devraient se poser en termes de couverture du territoire par un réseau cyclable*. Il s’agit d’une condition sine qua non à un usage accru du vélo, qui conditionne l’utilité de tous les autres aspects abordés : la sécurité, la lutte contre le vol et la diffusion de la culture vélo.
Un aspect fait par ailleurs beaucoup défaut dans cette analyse : lorsque l’on parle de passer la part du vélo à 9%, on parle aussi, incidemment, de faire reculer celle de la voiture. Or, aucune mesure n’apparaît qui aurait pour effet de contraindre l’usage de celle-ci. Pourtant, si l’on veut allouer de l’espace au vélo, le seul moyen de le faire est de prendre de l’espace à la voiture : à quand une politique réellement dissuasive de ce mode excessivement carboné ?
Voir plus loin que le bout de la ville
Nombre de mesures proposées par le gouvernement – telles les sas vélo aux feux, les consignes sécurisées et le marquage des cycles, etc. – ne sont pertinentes que si le vélo est utilisé, donc si le réseau cyclable existe au préalable**. Elles sont d’ores et déjà pertinentes pour les villes denses couvertes d’un réseau cyclable, au contraire des zones périurbaines où celui-ci est souvent inexistant. Les zones périurbaines représentent pourtant 43% de la population métropolitaine et le vélo y serait un outil efficace de décarbonation de la mobilité. Or, si l’on veut être sérieux sur le développement du vélo, il est nécessaire de dépasser l’approche purement urbaine, en développant un réseau cyclable en banlieue, puis en grande périphérie des aires urbaines.
Le forfait mobilité et la généralisation du double sens cyclable sont pertinents, mais le seraient encore davantage dans un cadre plus ambitieux. Le forfait mobilité durable, basé sur le volontariat et sans incitations supplémentaires ne touchera en toute probabilité qu’une faible proportion de salariés. Quant à la généralisation du double-sens cyclable en agglomération, elle est utile pour étendre de manière efficace le réseau, mais seulement si la vitesse est limitée à 30 km/h sur les axes concernés (pour des raisons de sécurité).
Un besoin d’investissement public de 30€ par habitant chaque année : des progrès, mais le compte n’y est pas
On peut par ailleurs nuancer l’ambition de ce plan en regardant les moyens qui sont alloués au vélo chez nos voisins. Chez les « champions » du vélo, au Pays-Bas et au Danemark, c’est environ 27€/hab/an de dépenses publiques (État et collectivités) qui sont allouées au vélo, pour une part modale de 27% des déplacements aux Pays-Bas et 18% au Danemark. L’État français, lui, s’engage à hauteur de 350 millions d’euros. Ces 0,80 €/hab/an sont à ajouter aux 7,70 €/habitant/an que dépensent déjà les collectivités, ramenant l’investissement français au niveau de certaines localités allemandes (le plan vélo allemand prévoit un financement des politiques vélo à hauteur de 9 à 18 €/hab/an en fonction des localités). Le rapport du Shift « Décarbonner la mobilité dans les zones de moyenne densité » estime pour sa part les investissements publics pour un système vélo complet à 30€/an/hab.
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