Le Shift Project lance ses travaux pour une agriculture résiliente, bas carbone et prospère

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Le Shift Project est fier d’annoncer le lancement de son projet Agriculture ! Ce travail vise à imaginer la transformation du système agricole français pour répondre aux contraintes physiques qui le conditionnent, et instruire les enjeux socio-économiques que ces problématiques soulèvent.

Ce premier projet se poursuivra dans un deuxième temps par une réflexion « Alimentation » plus large, intégrant le système agroalimentaire et toutes les dimensions « de la fourche à la fourchette ». Cette réflexion s’inscrit elle-même dans un programme « Biomasse » plus vaste qui courra sur plusieurs années.

I. Entre vulnérabilités et injonctions, un secteur agricole confronté à de multiples défis

Si l’impératif de la transformation du secteur agricole est de plus en plus documenté, les modalités de réalisation de cette transformation, tant concernant les objectifs à atteindre et la trajectoire à emprunter que des moyens à déployer, sont loin de faire consensus.

Par essence très vulnérable aux conséquences du changement climatique, le secteur agricole est de plus confronté à de nombreuses difficultés qui s’accumulent et le fragilisent : disponibilité et fluctuations du prix de l’énergie, volatilité des marchés, rentabilité et prospérité économique, renouvellement de la main d’œuvre, transmission des exploitations, attractivité des emplois…

La société lui demande pourtant de nombreux efforts supplémentaires, parfois paradoxaux : continuer à nourrir une population toujours croissante avec des produits de qualité et toujours moins chers, limiter ses émissions de gaz à effet de serre et ses pollutions, contribuer à la préservation de la biodiversité, au bien-être animal dans ses élevages, s’adapter aux effets existants du changement climatique, préserver les paysages, stocker du carbone, régénérer les sols…, le tout en s’émancipant du pétrole et en consommant moins d’eau mais en produisant si possible un surplus d’énergie et en continuant à exporter.

Ces tensions sont par ailleurs exacerbées par un sentiment de déconnexion des consommateurs vis-à-vis de l’activité agricole, avec une contradiction entre leurs attentes comme citoyens en termes de qualité et de protection de l’environnement et des pratiques de consommation qui privilégient les produits bon marché.

La multiplication de ces injonctions est vécue par les acteurs du secteur comme une accumulation de contraintes, face auxquelles les contreparties ne sont pas à la hauteur pour accompagner un secteur déjà en crises. Ainsi, le changement de modèle agricole et agroalimentaire fait l’objet de résistances importantes – et compréhensibles – de la part de nombreuses forces en présence, des acteurs de l’agro-industrie aux forces syndicales dominantes.

On constate également la difficulté pour les agriculteurs à générer de la valeur de façon suffisante et pérenne pour mieux innover sur leurs fermes et s’engager dans les évolutions structurelles qu’appellent la transition agricole. A ce titre, la répartition de la valeur entre les acteurs de la chaine de valeur et les prix payés aux producteurs semblent être des enjeux déterminants pour répondre aux besoins d’adaptation et de résilience de l’agriculture face aux changements climatiques et pour la préservation de l’environnement.

Ainsi, pour que la transformation de l’agriculture opère effectivement, avec efficacité et cohésion, il semble essentiel de permettre aux différents acteurs du secteur d’établir un dialogue constructif sur les transformations à mener, et de définir les conditions nécessaires pour l’opérer.

Le Shift a l’opportunité de jouer un rôle pour :

  • alimenter la réflexion sur la nécessaire transformation de l’agriculture et de ses métiers,
  • animer un dialogue multi-acteurs pour réfléchir collectivement aux trajectoires possibles et la manière de les emprunter,
  • les aider à se mettre rapidement en ordre de bataille pour mener ces transformations urgentes et indispensables de façon concertée.

 

II. Objectifs et activités

Objectif 1 : Réaliser une évaluation quantitative des contraintes physiques actuelles et futures auxquelles est confronté le secteur agricole

Cette évaluation vise à présenter un chiffrage détaillé des contraintes physiques qui pèsent sur le système actuellement et à horizon 2050, et mettre en évidence les enjeux économiques, sociaux et politiques que supposent leur prise en compte, sur la base de la méthodologie du Plan de transformation de l’économie française (PTEF) du Shift.

Les paramètres structurants seront, concernant les « contraintes physiques » :

  • minimiser l’empreinte GES du système agricole (baisse des émissions et optimisation du stockage), pour atteindre les objectifs climatiques de la France,
  • obtenir un système résilient face aux changements climatiques et aux crises potentielles, en s’intéressant particulièrement aux enjeux énergétiques, biogéochimiques et de concurrence en matière d’usage des sols, afin que ce système soit compatible avec la transition de l’économie française dans son ensemble (bouclages énergétique, ressources et sur l’usage des sols)
  • préserver autant que possible la biodiversité agricole.

Et concernant les « implications économiques, sociales et politiques » :

  • documenter les enjeux que la transition agricole représentera en termes d’emploi et de formation (renouvellement de la population agricole et pérennité du secteur),
  • documenter la question des évolutions nécessaires pour assurer la viabilité économique de la transformation du secteur au niveau des fermes, mais aussi au niveau international.
  • documenter la capacité du secteur à répondre aux besoins en alimentation de la population (sécurité et souveraineté alimentaires) et au-delà,
  • documenter la manière de « reconnecter » les consommateurs à leur alimentation et à l’agriculture, et revaloriser l’image et les conditions de travail des agriculteurs ;
  • documenter la place de l’innovation technologique dans la transition du secteur, identifier le domaine de pertinence des différentes technologies.

Activité 1 : analyse/recherche

Ce projet nécessite un travail important d’analyse et de recherche. Il s’agira de rendre compte de l’état de la science en matière de transition écologique de l’agriculture : caractériser les enjeux d’abord, en particulier les contraintes physiques actuelles et futures, mais aussi les grandes trajectoires possibles pour y faire face, faire des propositions concrètes, sans viser à trancher tous les débats ni clore la discussion.

Des organisations ayant déjà mené des travaux poussés, ce travail sera construit sur la base de travaux scientifiques existants (INRAE, IDDRI, Solagro, Les Greniers d’abondance, le Basic, I4CE…). Le Shift n’a pas vocation à reproduire ce qui a déjà été fait, mais souhaite tenir un rôle d’ensemblier tout en cherchant à apporter des éléments et angles d’analyse complémentaires utiles au débat, en bonne intelligence avec ces acteurs.

Cette recherche visera également à rendre compte des initiatives existantes sur le territoire et mettre en évidence des cas pratiques diversifiés, dans les modèles et activités, afin de proposer une vision qui ne soit pas hors sol, de dépolariser les débats et éviter les « guerres de chapelle ».

 

Objectif 2 : Établir un dialogue constructif avec et entre les acteurs du monde agricole

Le débat sur la transition du système agricole et alimentaire est aujourd’hui très tendu et passionné, laissant peu de place à l’objectivation des enjeux et des perspectives qui se posent.

The Shift Project souhaite apporter un cadrage objectif au dialogue, aider à structurer le débat de manière qualitative sans nier les multiples défis du secteur, faire émerger des consensus entre acteurs sur les objectifs de transition écologique, les aider à identifier des trajectoires possibles dans un cadre physique défini en distinguant bien les options politiques qui se posent, et définir des mesures sans regret à engager sans tarder.

Il importera d’associer un maximum de parties prenantes du secteur agricole afin de les consulter et leur permettre de participer à l’élaboration des constats, propositions et livrables.

Activité 2 : Concertation

Pour être légitime et proposer des recommandations robustes, ce projet requerra une concertation large et une collaboration forte avec les acteurs de la recherche (laboratoires, think tanks…), des membres des organismes professionnels (syndicats, coopératives, interprofessions…), de la formation (lycées agricoles, écoles d’agronomie, de restauration), des institutionnels (MASA, APCA) et de la société civile (organisations paysannes, associations environnementales, de consommateurs…).

L’équipe interagira avec ces acteurs tout au long du projet pour bien comprendre comment les enjeux se posent pour chacun et s’assurer que les acteurs incontournables aient voix au chapitre. Cette concertation au long cours pourra engager les contributeurs à se mettre en mouvement sans attendre la fin du projet.

Le relais des Shifters, et en particulier du Cercle Thématique Agriculture, et d’autres réseaux proches du Shift permettra également une concertation de grande ampleur des parties prenantes sur le territoire. Un groupe de travail sera créé pour mener la réflexion de manière concertée.

La concertation comme le portage, tout au long du projet comme après, pourra également permettre d’impulser la structuration d’un réseau d’agriculteurs et de professionnels engagés, afin d’assurer la continuité de la réflexion, et sa récupération par les professionnels du secteur.

 

Objectif 3 : Proposer des trajectoires en faveur d’une agriculture décarbonée et résiliente

En s’attachant à proposer une vision systémique, plaçant les systèmes alimentaires et agroalimentaires dans un cadre physique « non négociable » (énergie, climat, biodiversité, eau), en présentant de manière distincte les options politiques qui se posent (souveraineté alimentaire, pérennité économique, santé…) en recherchant la résilience de ces systèmes et en portant une attention précise aux différents bouclages (énergie, biomasse, sols).

Une attention particulière sera portée aux enjeux d’emploi et de formation des professionnels du secteur agricole, ainsi qu’à la place de l’innovation technologique dans ces transformations.

Les activités 1 et 2 contribueront à cet objectif 3, résultat de la recherche et de la concertation

 

Objectif 4 : Produire et porter des messages opérationnels et robustes pour s’engager dans ces trajectoires, avoir un impact durable

Le travail mené visera à aboutir à des recommandations aussi concrètes que possible adressées à tous les acteurs pertinents, du niveau local au niveau européen.

Ces recommandations devront avoir été élaborées avec et testées auprès des acteurs concernés, afin d’être crédibles et légitimes.

Ces recommandations seront portées très largement auprès de tous les acteurs identifiés pour leur mise en œuvre, ainsi qu’auprès de tout l’écosystème du secteur agricole.

Activité 4 : coconstruire des recommandations et les porter auprès de l’écosystème agricole

Pour parvenir à ces recommandations, il nous parait essentiel d’articuler la concertation des acteurs autour de 2 sujets majeurs. D’abord, les contreparties qui leur sembleront nécessaires pour opérer leur propre transition, afin de rendre bien clair que le changement de modèle ne doit pas s’opérer au détriment des agriculteurs et qu’un accompagnement massif des acteurs et individus qui risqueraient d’« y perdre » est incontournable. Ensuite, chercher à identifier en priorité des « mesures sans regret », qui servent plusieurs trajectoires simultanément, et autour desquelles rassembler les acteurs afin qu’ils puissent porter des propositions communes.

 

Calendrier & livrables
  • Durée : 18 mois
  • Début : juillet 2023
  • 6 juin 2024 : publication d’un rapport intermédiaire
  • 7 novembre 2024 : publication du rapport final
Équipe projet

Cheffe de projet : Céline Corpel

Ingénieur projet : Corentin Biardeau-Noyers

Coordination de projet : Clémence Vorreux

 

Contact : clemence.vorreux@theshiftproject.org

 


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