« Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne » : le nouveau rapport du Shift sur l’impact environnemental du numérique

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« Si l’on veut être sérieux avec les objectifs de transition énergétique, il est indispensable de prendre en compte l’impact du numérique, qui est en croissance exponentielle. Cette analyse montre que c’est possible. »
Matthieu Auzanneau, Directeur général, The Shift Project

« Les opportunités du numérique étant précieuses, mieux les calibrer est essentiel pour en préserver l’utile. Être ‘sobre’ à l’échelle de notre société, c’est donc réinventer nos usages pour qu’ils soient compatibles avec les contraintes climatiques. C’est un défi stimulant, et ce rapport m’a permis de commencer à le mesurer. »
Maxime Efoui-Hess, auteur du rapport, The Shift Project

Le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre du monde, et sa consommation énergétique s’accroît de 9 % par an. The Shift Project a publié en octobre 2018 le rapport « Lean ICT – Pour une sobriété numérique » (2018). Nous y recommandons de rendre la transition numérique compatible avec les impératifs climatiques et les contraintes sur les ressources naturelles et énergétiques. La sobriété numérique consiste à prioriser l’allocation des ressources en fonction des usages, afin de se conformer aux limites planétaires, tout en préservant les apports sociétaux les plus précieux des technologies numériques. Cela nécessite d’interroger la pertinence de nos usages du numérique – ce que nous faisons pour la vidéo dans ce nouveau rapport « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne – Un cas pratique pour la sobriété numérique » (2019).

(Mises à jour :

06/2020: Une analyse parue début 2020 a correctement pointé une erreur du Shift Project concernant l’impact sur le climat de la vidéo en ligne. Cette erreur est apparue au cours d’une interview. Elle n’a pas d’impact sur les résultats publiés dans nos rapports, résultats qui ne sont pas contestés. Voici notre explication détaillée, et notre appel à la poursuite du débat scientifique sur cette question.

06/2023 : La reprise de ses chiffres par The Shift Project et la mise à jour de sa méthodologie au travers d’une étude de sensibilité mène à la mise à jour de la répartition des types contenus dans les flux vidéo concernant les catégories « Autres » et « Pornographie ».)

Pour accompagner le rapport « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne » (2019), The Shift Project a souhaité proposer trois outils pour rendre visible l’impact environnemental du numérique auprès des utilisateurs et citoyens. L’objectif est qu’ils prennent la mesure des conséquences de la consommation de données, et plus particulièrement de vidéos. Deux outils permettent de rendre visible l’invisible, et le troisième permet d’agir sur la production et mise en ligne de vidéos en tant que professionnel ou simple amateur.

CLIMAT : L’INSOUTENABLE USAGE DE LA VIDÉO EN LIGNE
Un cas pratique pour la sobriété numérique

L’impact environnemental du numérique est maintenant reconnu comme insoutenable, mais continue à croître. La consommation énergétique du numérique augmente de 9 % par an et représente déjà 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’usage du numérique est responsable de 55 % de sa consommation énergétique, contre 45 % pour la production des équipements. C’est ce qu’a montré notre rapport « Lean ICT – Pour une sobriété numérique » publié en 2018.

Contrôler cet impact nécessite de passer de l’intempérance à la sobriété numérique, c’est-à-dire prioriser l’allocation des ressources en fonction des usages, afin de se conformer aux limites planétaires, tout en préservant les apports sociétaux les plus précieux des technologies numériques.

3 grands types de contenus génèrent 60 % des flux de données mondiaux

Nous vivons dans un monde où une seule forme d’usage du numérique, la vidéo en ligne, génère 60 % des flux de données mondiaux et plus de 300 millions de tonnes de CO2 par an. Cet usage, loin d’être « dématérialisé », représente 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) dues au numérique, soit 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ou autant que l’Espagne. Les autres usages comprennent d’autres usages de la vidéo (20 % des flux de données) et les usages hors-vidéo (20 % des flux de données) – ces derniers recouvrant la totalité des possibilités hors-vidéo ouvertes par le numérique représentent.

La vidéo en ligne, qui fait l’objet du présent rapport, est donc un cas pratique particulièrement significatif pour la mise en œuvre de la sobriété numérique. Dans ces 60 % de flux de données mondiaux générés par la vidéo en ligne, on retrouve 3 grandes catégories d’usage dont aucune n’est négligeable.

 

La sobriété numérique nécessite une régulation des usages

La sobriété dans les usages vidéos implique de diminuer l’usage et le poids de la vidéo. Cela nécessite une forme précise de régulation des usages, donc un débat sociétal. Les usages du numérique sont en effet davantage le fruit d’un système que la somme des comportements individuels. Si la régulation peut s’appuyer sur des outils et des organismes déjà existants, elle nécessite aussi un débat sociétal. En effet, dans un monde contraint par la crise climatique et la finitude des ressources, ne pas choisir entre les usages, c’est laisser la contrainte s’appliquer aléatoirement plutôt que de manière choisie.

Ne pas choisir n’est plus une option viable

Du point de vue du climat et des limites planétaires, il ne s’agit pas d’être « pour » ou « contre » tel ou tel usage, comme la pornographie, la télémédecine, Netflix ou les mails : il s’agit d’éviter qu’un usage jugé précieux par la société ne pâtisse de la surconsommation d’un autre jugé moins essentiel. Il s’agit donc bien de choix sociétaux, à arbitrer collectivement pour éviter que des contraintes ne s’imposent à nos usages contre notre gré et à nos dépens. Au 21ème siècle, ne pas choisir n’est plus une option viable : sommes-nous prêts ?

Témoignages d’experts

« Alors que nos modes de consommation actuels sont directement responsables de notre incapacité à réduire notre empreinte carbone, il nous semble difficile, déstabilisant, voire périlleux de les modifier. Pourtant, en matière d’usages numériques, ce rapport montre que l’essentiel des vidéos constituant 80 % du trafic internet sont consommées à titre de divertissement ou de publicité : un constat qui, face à l’urgence climatique, devrait nous convaincre que remettre en cause nos comportements numériques est non seulement souhaitable, mais possible. »
Hugues Ferreboeuf, Directeur du groupe de travail Lean ICT, The Shift Project

« La sobriété devrait s’appliquer partout : biens de consommation, déplacements mais aussi consommation internet dont les vidéos. Regarder moins de vidéos et écouter, échanger avec les autres humains : un moyen pour construire le monde réel de demain ! »
Françoise Berthoud, ingénieure de recherche et directrice du GDS EcoInfo, CNRS et Université de Grenoble

« En tant qu’internautes, nous connaissons peu voire pas du tout notre impact environnemental. Avec l’extension de navigateur Carbonalyser, on peut estimer cet impact, et notamment voir le poids de la consommation de vidéos. L’équivalence entre les émissions de CO2 de la navigation internet et des kilomètres parcourus en voiture est particulièrement déstabilisant : on arrive souvent à un bon kilomètre en à peine un quart d’heure de navigation. »
Richard Hanna, développeur et animateur du podcast technologie.net, développeur de Carbonalyser

« Le numérique a été intégré à notre vie quotidienne en moins de 25 ans et nous en avons créé des habitudes, des désirs et des usages qui reposaient sur l’idée de la dématérialité. Aujourd’hui la vidéo en ligne est la pierre angulaire du trafic de données et nous comprenons finalement la réalité de ses impacts. Il faut alors reconstruire une vie quotidienne où le numérique n’est pas l’alpha et l’omega de toutes les habitudes et usages mais un outil qui retrouve sa place dans un écosystème autant technique qu’écologique. »
Gauthier Roussilhe, designer et chercheur sur les questions de transition et de low-tech

« Nous produisons des vidéos pour la diffusion de connaissances scientifiques. Travailler avec l’équipe du Shift Project a été l’occasion pour mon équipe de questionner notre activité : quel avantage sociétal en rapport au coût énergétique des canaux utilisés. C’est un nouvel aspect dont nous discutons désormais avec nos clients et nos fournisseurs.
Décider si notre activité est positive pour la société implique de mettre l’impact énergétique dans la balance. Nous aurions pu planter des arbres pour contrebalancer l’impact des vidéos que nous produisons. Nous avons préféré remettre en question notre activité elle-même. »
Bénédicte Huchet, General Manager de Science Explainers, a trademark of Labs Explorer

Le rapport « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne – Un cas pratique pour la sobriété numérique » (2019) du think tank The Shift Project est le fruit d’un travail dirigé par Maxime Efoui-Hess, ingénieur spécialiste du climat et de la modélisation, diplômé de l’ISAE-SUPAÉRO, de l’Université Paul Sabatier et de l’École nationale de la météorologie. Il est co-auteur du rapport « Lean ICT – Pour une sobriété numérique » (The Shift Project 2018).

A partir du cas d’étude de la vidéo en ligne, The Shift Project suggère un premier aperçu des questions à poser explicitement pour réduire intelligemment l’impact environnemental des usages du numérique, donc pour mettre en oeuvre la sobriété numérique. The Shift Project a consulté un panel d’experts et d’universitaires des problématiques sociétales du numérique et de la vidéo en ligne, dont : Jean-Samuel Beuscart (LSIS), Jocelyn Lachance (Université de Pau), Julien Marcinkowski (exp. conduite du changement), Marion Muracciole (exp. égalité F/H), Gauthier Roussilhe (designer) et Lan Anh Vu Hong (exp. webmarketing). Ces entretiens ont été croisés avec une revue de littérature, des calculs et les rapports des instances de régulations.

Les détails techniques de l’étude sont disponibles en ANNEXE du rapport, pour deux aspects, ici:

Contact : Jean-Noël Geist, Chargé des affaires publiques, The Shift Project – jean-noel.geist@theshiftproject.org | 06 95 10 81 91


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