Chers ami.e.s du Shift,
Nous avons participé aux Assises de la Mobilité au sein de l’atelier « Pour une mobilité plus propre », dont la synthèse a été publiée le 13 décembre.
Nous avons apprécié l’esprit d’ouverture des organisateurs, et encourage les autorités publiques à explorer les différentes pistes évoquées pour élaborer une stratégie cohérente sur le long terme. Néanmoins, nous mettons en garde contre l’adoption d’une solution reposant essentiellement sur un progrès technologique aux effets incertains.
Ces Assises avaient pour objectif d’« identifier les besoins et les attentes prioritaires de tous les citoyens autour de la mobilité, en accordant une attention particulière aux transports de la vie quotidienne, aux zones rurales et périurbaines ». Cette démarche répondait à une logique démocratique de concertation très appréciable.
Suite à la publication de son rapport « Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité », The Shift Project a participé au débat en s’efforçant de mettre en évidence la pertinence de solutions alternatives à la voiture individuelle sur l’ensemble du territoire.
Ces Assises resteront « comme le premier temps de la refondation de notre politique des transports », s’est félicitée la ministre des Transports qui clôturait ces Assises le 13 décembre. Qu’en est-il ?
Les discussions actuelles sur la mobilité du futur favorisent un scénario unique : la voiture électrique autonome, connectée et partagée, dont le déploiement permettrait d’apporter la « durabilité » qui manque au système, sans avoir à mettre en question nos modes de vie.
Le sujet « environnement » est en conséquence balayé par simple référence à ces voitures « propres », en omettant la consommation en matériaux et les émissions liées à l’ensemble du cycle de vie, et autres externalités (occupation de l’espace, polluants atmosphériques locaux, bruit…).
Les participants à l’atelier se sont souvent alignés sur cette vision dominante, notamment celle de la voiture électrique, ou se sont limités à des plaidoyers pro domo. Francisco Luciano, Directeur du groupe de travail du Shift Project, a cherché à réacheminer le débat vers la réduction globale des émissions et à clarifier les termes du débat.
L’urgence climatique réclame des mesures pouvant être mises en œuvre rapidement, à l’efficacité certaine, et pouvant s’appuyer sur les technologies disponibles dès aujourd’hui et accessibles à tous. Or les discussions des participants à l’atelier « mobilité plus propre » ont tourné autour du « comment » d’une solution centrale (la voiture, améliorée) ; il n’y a eu que peu de débat sur le « pourquoi » avec confrontation des avantages relatifs des différentes solutions.
Il est pourtant essentiel de nous réorienter vers des modes de vie plus sobres, plus résilients, et de ne plus miser sur une fuite en avant technologique au service d’une filière industrielle. Il faut remettre en question la primauté de la vitesse et du temps comme critères d’évaluation (qui favorisent des véhicules plus puissants, plus lourds, plus consommateurs en ressources…). Une vision de l’aménagement du territoire et des modes de vie futurs doit être établie, pour ensuite y adapter réglementations et infrastructures. Cette stratégie doit tenir compte des externalités au sens large, et mettre l’innovation au service d’un modèle de société, et non l’inverse.
Il est impératif de poser des bases scientifiques transparentes à tout choix d’investissement massif en mobilité, afin de ne pas se retrouver pris au piège du verrouillage technologique, face au mur de l’urgence climatique.
Or, si la synthèse de cet atelier reprend un certain nombre des contributions des participants, elle manque de chiffrage des impacts des pistes (et notamment des émissions) sur lesquels s’appuyer pour effectuer des arbitrages, alors même que le sujet (le climat) s’y prête par nature.
Si les propositions des différents ateliers doivent alimenter la future loi d’orientation sur les mobilités, elles sont cependant loin d’être la seule source qui alimentera les choix qui seront fait. Les jeux ne sont donc pas encore faits. Les rédacteurs de cette loi sauront-ils faire le tri parmi tous ces éléments pour en sortir une stratégie de long terme, pragmatique et respectant les impératifs et engagements climatiques ? Sauront-ils choisir la sobriété et ne pas se laisser aveugler par les vendeurs d’innovation, qui promettent que l’on peut tout changer sans que rien ne change ? The Shift Project le souhaite, et continuera à travailler avec les parties prenantes dans cette perspective.
Rendez-vous à nos prochains Ateliers du Shift, qui se tiendront le 6 février, et seront l’occasion de discuter du bilan des Assises en perspective de la loi Mobilité 2018, en compagnie d’experts du secteur ayant suivi les débats.
Bien à vous,
L’équipe du Shift
Le rapport « Décarboner la mobilité dans les zones de moyenne densité » du think tank The Shift Project est le fruit d’un groupe de travail dirigé par Francisco Luciano, ingénieur civil, urbaniste spécialisé en mobilité et entrepreneur. Le groupe de travail est composé d’experts d’horizons variés (grandes entreprises, associations, start-ups, cabinets de conseil, chercheurs).
Autopartage ≠ Covoiturage : The Shift Project a publié une note d’analyse sur l’impact potentiel du développement de l’autopartage sur les émissions de CO2. Elle invite à ne pas confondre autopartage et covoiturage. Elle conclut que la catégorie « mobilité partagée » relève de la fiction, dans la mesure où le covoiturage représente un potentiel de réduction des émissions de CO2 d’un ordre de grandeur supérieur au potentiel de l’autopartage. Lire l’article de Sciences Pop sur notre étude.
Jean-Marc Jancovici, président du Shift, et Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, ont publié une tribune dans Les Echos : « Pour un bilan carbone des projets d’infrastructures de transport » (26.12.2017).