Prix du carbone : The Shift Project appelle à une meilleure intégration des politiques française et européenne

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The Shift Project, think tank de la transition carbone, revient sur les propositions de la France pour encadrer le prix du carbone

L’instauration d’un prix plancher national pour chaque tonne de CO2 associée à la production d’électricité en France a été l’une des propositions phares du Président François Hollande lors de la conférence environnementale du 25 avril dernier. C’est une mesure prometteuse, à condition qu’elle soit déployée en cohérence avec la réforme du marché des quotas d’émission que la France enjoint ses partenaires européens d’adopter.

Cette taxe sera donc payée par les producteurs d’électricité installés sur le territoire national utilisant des combustibles fossiles tels que le charbon et dans une moindre mesure, le gaz.

Sur le plan politique, la position Française consiste à mettre en cohérence une politique européenne et une politique nationale de tarification carbone. L’enjeu étant de sortir du charbon, c’est une approche particulièrement habile : les traités de fonctionnement de l’UE confient en effet aux États et non à la Commission Européenne la responsabilité de leurs choix énergétiques. L’EU ETS crée donc un prix support. La taxe, nationale par définition, complète ce prix pour déclencher les arbitrages de marché compatibles avec nos objectifs climatiques. Toutefois, augmenter le prix de l’électricité est une mesure peu populaire qui nécessite une pédagogie adaptée et un courage politique souvent plus présent en début de mandature. Pour faire corps à l’échelle Européenne, notamment pour rallier l’Allemagne à sa cause, la France a devant elle quelques années de diplomatie soutenue. The Shift Project participe activement à cette démarche afin de rallier dès que possible un nombre croissant d’États à cette idée. Le Royaume Uni a déjà mis en place une taxe nationale sur le CO2 associée à la production de l’électricité, dans le cadre de sa réforme du marché de l’Electricité.

Sur le plan économique, l’impact immédiat consiste d’abord en un renchérissement du prix de l’électricité aujourd’hui effondré sur les marchés de gros, à l’avantage des sources bas-carbone (nucléaire et renouvelables) et au détriment des quelques 5 centrales à charbon françaises qui seraient reléguées à la production en période de pointe. En outre, cela signifie que la France risque d’importer d’avantage d’électricité via ses interconnexions notamment avec l’Allemagne, pays dont la production d’électricité émet le plus de CO2 en Europe.

Sur le plan social se pose la question de l’accompagnement des travailleurs pour les centrales à charbon, dont l’exploitation sera significativement réduite.

Sur le plan environnemental et climatique, cette mesure réduit le risque d’un retour vers un mix électrique plus carboné dans les années à venir. Elle pourrait donc séduire d’autres Etats au mix électrique peu ou pas carboné. 

De plus, d’après le Ministère de l’environnement, la France évitera d’émettre 12 MT de CO2 par an – ainsi que les particules polluantes associées. Ce bilan national favorable sera plus nuancé à l’échelle de l’Union Européenne (autour de 4MT de CO2 par an économisées) du fait de la hausse induite sur les imports d’électricité. L’Allemagne notamment sera d’autant plus pénalisée dans l’atteinte de ses objectifs climat.

Enfin, ces 12 MT de CO2 par an évitées en France se traduisent par un moindre besoin en quotas de CO2 : d’autres pays et d’autres secteurs pourront acquérir ces quotas sur le marché européen du carbone (ETS) et profiter ainsi des fruits de cette nouvelle politique Française. A moins de prendre des mesures appropriées, telles que l’annulation ou la mise en réserve d’une quantité de quotas équivalente aux émissions évitées chaque année par le prix plancher Français.

La France propose une réforme du marché européen du carbone, essentiellement centrée sur l’instauration d’un « corridor de prix du carbone » : il s’agit d’un prix de réserve sur les quotas vendus aux enchères par les Etats et une réserve pour contenir la hausse des prix. Cette proposition rencontre un accueil plutôt favorable auprès des électriciens voire des gaziers, mais s’inscrit à contre-courant des positions communes des économistes de la Commission Européenne et de l’Industrie.

Ces propositions sont portées par The Shift Project depuis 2015, et nous les soutenons d’autant plus aujourd’hui. Des négociations difficiles seront probablement nécessaires pendant quelques années, notamment avec l’Allemagne, avec les Etats interconnectés à la France et au Royaume-Uni (pour limiter la délocalisation des émissions induites par le prix plancher) et avec les Etats peu carbonés (pour sécuriser un mix électrique bas-carbone et rassembler autour de la proposition). L’objectif à terme étant une harmonisation Européenne du corridor de prix du carbone initiée par les Etats les plus volontaires sur la question climatique. Une façon prometteuse de renforcer la politique climatique de l’Europe à partir de la politique de ces Etats membres.


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