Crédit immobilier et résilience énergétique

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L’étalement urbain occasionne une mobilité importante et a donc un coût énergétique élevé (sans parler des conséquences négatives de l’artificialisation des sols). Or, le prix de l’énergie – et en particulier du pétrole – est amené à monter inexorablement car l’offre mondiale stagne alors que la demande progresse, notamment dans les pays en développement, créant un effet d’éviction des pays de l’OCDE (on constate que la part de l’Europe est déjà en diminution et que la France n’échappe pas à cette règle).

Autre dépense contrainte pour les ménages propriétaires : le chauffage. Le parc immobilier Français se situe en moyenne à 220 kWh/m²/an et le gros des logements sont en catégorie D et E du DPE. La réglementation thermique a certes évolué dans le bon sens, mais ne concerne que le flux des nouvelles constructions, soit de l’ordre de 1% du parc chaque année dont une majeure partie n’est pas du remplacement mais des surfaces nouvelles.

Source : Etude EX’IM réalisée sur la base de 100.000 Diagnostics de Performance Energétique

La mobilité et le chauffage sont des dépenses contraintes qui vont créer des situations difficiles pour les ménages les plus exposés, ce qui est déjà illustré dans les reportages des journaux télévisés sur le prix de l’essence depuis quelques semaines.

Aujourd’hui, les banquiers ne prennent pas en compte la contrainte carbone dans leurs critères pour accorder ou non des prêts immobiliers. Leur seul critère est celui des 33% (les revenus doivent être d’au moins trois fois les traites, sinon la « Caution Crédit Logement » ne fonctionne pas en cas de défaut du client) et d’un apport initial de 20%.

Pour une prise en compte de la contrainte carbone dans les prêts immobiliers

The Shift Project a réalisé une étude* qui a consisté à modéliser un ensemble virtuel – mais représentatif – de ménages ayant accès au crédit immobilier aujourd’hui, et à voir quelle est la distribution statistique de ces ménages sur l’axe de « la part budgétaire de leurs dépenses contraintes » – c’est-à-dire (remboursement de prêt + chauffage + trajets domicile-travail) divisé par le budget total du ménage. Cette part budgétaire contrainte est calculée aujourd’hui d’une part, et à la fin de période du prêt d’autre part en supposant que le prix de l’énergie double sur cette période.

Le résultat est que, dès aujourd’hui, un nombre significatif de ménages (14%) se retrouve dans une situation où la part contrainte de leur budget est supérieure à 60%, et que cette proportion atteint 44% dans l’hypothèse (très raisonnable) d’un doublement du prix de l’énergie avant la fin de la période de remboursement (voir graphiques ci-dessous).

Source : The Shift Project, « Crédit immobilier et résilience énergétique », 2012

Pour comprendre ces graphiques : chaque point (X, Y) représente le pourcentage (Y) des ménages pour lesquels la part budgétaire contrainte est comprise dans l’intervalle [X, X+1].

Il ressort de l’étude que les critères de vulnérabilité énergétique sont, dans l’ordre :

– la localisation et l’accès ou non aux transports en commun ;

– les revenus ;

– le DPE.

Dans le but de préserver la solvabilité des ménages, The Shift Project préconise donc de modifier les critères d’octroi des prêts et de remplacer les 30% du revenu pour le remboursement du prêt par le critère suivant : l’ensemble des dépenses contraintes que sont le remboursement du prêt, le chauffage et le trajet domicile-travail ne doivent pas dépasser un plafond « P », y compris dans le cas d’un doublement du prix de l’énergie (ce plafond est à calculer de manière à ce que le nombre de prêts accordés soit globalement le même avant et après le changement de critères, il est à priori compris entre 50 et 60%).

En clair, TSP propose d’accorder un crédit non pas parce que le ménage a les moyens d’acheter un bien, mais parce qu’il a également les moyens d’y vivre.

La conséquence immédiate de cette proposition va être que les banquiers refuseront des dossiers qu’ils acceptent aujourd’hui, et symétriquement, qu’ils accepteront demain des dossiers qu’ils refusent aujourd’hui. Il est important de noter que le nombre de personnes défavorisées par ce changement de critère est, par construction, le même que le nombre de personnes favorisées. Autrement dit il y aura à court terme autant de gagnants que de perdants, mais à long terme on évitera nombre de situations de précarité financière douloureuses.

Dans un second temps, les prix de l’immobilier vont évoluer pour tenir compte de cette nouvelle contrainte : un bien situé dans une zone favorable trouvera plus d’acquéreurs car ces derniers auront plus facilement accès au crédit et son prix va donc augmenter. Réciproquement, un bien situé dans une zone défavorable va voir son prix baisser.

Enfin, à plus long terme, l’attractivité des zones bien desservies par les transports en commun vont être privilégiées par les promoteurs immobiliers car elles présenteront de meilleurs retours sur investissement.


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