Accélérer le « verdissement » des flottes de véhicules des entreprises : une proposition de loi bienvenue

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Nous souhaitons apporter des éclairages sur la proposition de loi « visant à accélérer et contrôler le verdissement des flottes automobiles » déposée par le député Damien Adam, et aujourd’hui mardi 9 avril 2024 débattue en commission parlementaire – et encourager les  parlementaires français à se saisir pleinement de la décarbonation des flottes de véhicules.


Nos messages principaux :

– Face à un secteur des transports dont les émissions nationales ne baissent pas, et qui consomme près de 460 TWh d’énergie fossile importée, l’électrification du parc roulant par des véhicules économes en énergie et matériaux et 100% électriques est indispensable

– La loi LOM (Loi d’Orientation des Mobilités)[1] oblige les entreprises disposant d’une flotte de plus de 100 véhicules à un quota minimal de véhicules à faibles émissions lors du renouvellement de leur flotte

– Or, beaucoup de ces entreprises ne respectent pas les obligations de verdissement de leur flotte ou privilégient massivement la motorisation hydride rechargeable – dont l’efficacité en faveur de la décarbonation est très insuffisante -, et ne font pas l’objet de sanctions

– Aussi la proposition de loi du député ADAM[2] de renforcer les obligations d’achat de véhicules 100% électriques pour les entreprises et d’introduire des sanctions en cas de non-respect de la loi, nous paraît nécessaire et bienvenue

– Par ailleurs, nous souhaitons qu’une action politique de plus long terme s’engage également sur les indispensables autres leviers de décarbonation de la mobilité – maitrise du besoin de mobilité (kilomètres parcourus), permettre et motiver le report modal vers les modes de transport les moins carbonés, l’augmentation du taux d’occupation des véhicules – en complément du développement et de la construction d’une offre de véhicules électriques économes en énergie et en matériaux[3].


La mobilité ne se décarbone pas assez vite

Le secteur des transports reste le secteur le plus émetteur de GES en France, avec presque 1/3 des émissions nationales en 2023, dont plus de 50% sont dus aux voitures particulières[4] (et près de 70% en ajoutant les véhicules utilitaires légers). C’est également le seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé depuis 1990[5]. A lui seul, le secteur des transports consomme près de la moitié des produits pétroliers importés par le pays, ce qui représentait en 2022 28% du déficit commercial français.

Pourtant, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) vise une décarbonation complète du transport routier en 2050, et une baisse de 40% de ses émissions d’ici à 2030. Pour respecter ses engagements nationaux et européens, et pour réduire sa dépendance à des énergies fossiles importées, la France n’a d’autre choix que de mettre en œuvre rapidement l’ensemble des leviers de décarbonation de la mobilité.

L’électrification des véhicules, sans être suffisante, est indispensable à notre feuille de route et elle doit être accélérée. Il est nécessaire que les véhicules 100% électrique représentent 15% du parc roulant en 2030, alors qu’il ne sont que de 3% aujourd’hui[6].

Les entreprises sont 2 à 3 fois plus lentes que les particuliers dans l’adoption des véhicules 100% électriques !

En 2023, les voitures 100% électriques ont représenté environ 16% des ventes de véhicules neufs en France, mais avec une forte disparité suivant les typologies d’acheteurs. Ce niveau doit atteindre au moins 21% en 2024 et 66% dès 2030 selon le SGPE.

Bien souvent, les entreprises privilégient les véhicules hybrides rechargeables : ceux-ci se retrouvant ainsi davantage représentés dans leurs achats que dans ceux des ménages : alors que 22% des véhicules neufs achetés par les ménages sont électriques, seulement 11% le sont par les entreprises et même 8% pour celles qui ont une flotte de plus de 100 véhicules[7].

Ces véhicules hybrides rechargeables, actuellement considérés comme à faibles émissions dans la loi LOM de décembre 2019 (Loi d’Orientation des Mobilités), ne permettent toutefois ni de s’affranchir de la contrainte des énergies fossiles, ni, dans leurs conditions d’usage réel, de contribuer significativement à la décarbonation de la mobilité. Nous avions rappelé dans le rapport « La transition bas carbone : une opportunité pour l’industrie automobile française ? »[8] les conditions d’intérêt des véhicules hybrides : des usages adaptés (les distances parcourues permettant de rouler très majoritairement en électrique et la recharge systématique de la batterie) et des véhicules sobres et dimensionnés au juste nécessaire.

A minima faire respecter la loi et donc les obligations de verdissement nécessaires

Les entreprises ayant une flotte de plus de 100 véhicules sont soumises par la loi LOM à l’obligation de « verdissement » de leur flotte lors de son renouvellement. Elles sont ainsi en capacité de contribuer plus fortement et plus rapidement à la transition du parc automobile français vers l’électrique.

Force est de constater que la réglementation actuelle n’incite pas suffisamment une partie de ces entreprises à passer aux véhicules 100% électriques et que les sanctions en cas de non-respect des obligations de « verdissement » sont absentes ou insuffisantes.

Or, avec un poids dans le marché des véhicules neufs de 30% environ, les entreprises contribuent massivement à structurer le futur marché du véhicule d’occasion, prisé par les particuliers pour sa meilleure accessibilité financière. Le non-respect des obligations de la LOM compromet ainsi l’atteinte des objectifs de décarbonation de la mobilité.

Le renforcement de cette réglementation est donc nécessaire, et la proposition du député Damien Adam nous parait de nature à répondre à cette nécessité[9].

Cette proposition, qui concerne les environ 3 500 entreprises détenant plus de 100 véhicules,  renforce le taux de verdissement lors du renouvellement de la flotte (par ex, 40% de véhicules à très faibles émissions au lieu de 20% de véhicules à faibles émissions en 2026, et 95% en 2030 au lieu de 70%). Elle exclut également les motorisations hybrides rechargeables des véhicules éligibles, et introduit des sanctions cas d’absence de reporting ou de non-respect de la règlementation.

Le véhicule électrique, nécessaire mais pas suffisant

Pour atteindre les objectifs de décarbonation de la mobilité, il est indispensable d’agir, en complément de la nécessaire d’électrification des véhicules sur les autres leviers de décarbonation de la mobilité : maitrise des kilomètres parcourus, report modal vers les modes de transport les moins carbonés (transports en commun, mobilités actives), augmentation du taux d’occupation des véhicules, développement de véhicules électriques sobres (économes en énergie et en matériaux)[10].

A ce titre, à la fois pour conserver une industrie automobile durable et forte sur le territoire et pour permettre à ceux qui en ont besoin d’accéder (en propriété, en location ou en partage) à la voiture électrique, il est nécessaire :

  • d’orienter la réglementation :
    • par les normes (émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie, limite sur la consommation énergétique en kWh au km)
    • par la fiscalité (bonus sur le poids – ou la consommation énergétique – des véhicules et malus plus sévère, ciblage des aides aux ménages les plus contraints).
  • d’orienter les investissements publics et privés vers des véhicules beaucoup plus légers et plus sobres en énergie et en matière, favorisant ainsi leur accessibilité financière.

La réduction forte de la masse des véhicules (nous proposons un objectif de baisse de 300 kg en moyenne hors effet du changement de motorisation) aura d’autres effets bénéfiques pour le pays :

  • limiter l’empreinte carbone de fabrication des véhicules et le besoin en matières, limitant ainsi nos dépendances à l’étranger
  • limiter en particulier la taille des batteries, ce qui limitera également le surdimensionnement et le coût du réseau électrique pour la charge et des moyens de production d’électricité.

Devant les contraintes d’approvisionnement, la hausse du prix des matières premières et de l’électricité, la simplicité et l’allègement sont des leviers de maîtrise des prix de vente et de résilience pour l’industrie automobile et la mobilité des Français.

La voiture traditionnelle, légère, simple, aérodynamique et attractive aura évidemment un rôle dans le futur panorama de la mobilité décarbonée, dans un système de mobilité qui ne sera plus centré sur l’automobile et dépendant de celle-ci.

Conclusion : pour une transformation de nos usages de mobilité

La décarbonation de nos mobilités passera par la transformation de nos usages et une évolution importante de nos pratiques vers la sobriété, c’est-à-dire l’utilisation du moyen de transport le plus efficace et le moins carboné pour répondre à un besoin avéré de mobilité.

Ainsi, la marche et le vélo doivent être privilégiés pour les trajets courts, le covoiturage doit être encouragé pour la courte et la longue distance, et des investissements massifs doivent être engagés dans les transports en commun ferrés ou routiers pour remplacer efficacement la voiture là où c’est pertinent.

Ces évolutions de pratiques nécessitent des évolutions au niveau des infrastructures et de l’organisation des transports et des territoires. Ces transformations souvent de nature systémique, demandent du temps pour se mettre en œuvre et nécessitent d’être portées par des politiques publiques fortes et ambitieuses tout en engageant l’ensemble des acteurs du secteur.

En ce sens, la proposition du député Damien ADAM permet d’inscrire dans la loi des mesures et actions de court terme dont les effets en faveur d’une baisse des émissions du secteur du transport peuvent être rapidement significatifs et contribuer à respecter nos engagements climatiques et à réduire nos dépendances énergétiques à l’étranger.

 


[1] https://www.ecologie.gouv.fr/loi-dorientation-des-mobilites

[2] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2126_proposition-loi.pdf

[3] Climat : le Plan de transformation de l’économie française | Shift Project (ilnousfautunplan.fr)

[4] https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2023/10/HCC_Rapport_GP_2023_VF_cor-1.pdf

[5] https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf

[6] https://www.gouvernement.fr/france-nation-verte/mieux-se-deplacer

[7] Électrification des véhicules professionnels : 60 % des grandes entreprises ne respectent toujours pas la loi – Transport & Environment (transportenvironment.org)

[8] https://theshiftproject.org/article/la-transition-bas-carbone-une-opportunite-pour-lindustrie-automobile-francaise-rapport-final-18-novembre/

[9] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2126_proposition-loi#

[10] Climat : le Plan de transformation de l’économie française | Shift Project (ilnousfautunplan.fr)

Contact

  • Laurent Perron
    Chef de Projet PTEF Industrie automobile
    laurent.perron@theshiftproject.org | 07 69 74 60 54
  • Jacques Portalier
    Chef de Projet PTEF Industrie automobile
    jacques.portalier@theshiftproject.org | 06 62 63 53 26

 


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