« Les nouveaux gilets jaunes », ou pourquoi il faut mettre fin au financement public des chaudières gaz

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Note d'analyse

Les chaudières au gaz sont encore subventionnées à hauteur de 30% par le Crédit d’impôts transition énergétique (CITE). Relevant de l’effet d’aubaine, ce soutien contribue également à la hausse des émissions de gaz à effet de serre et à une hausse intenable politiquement de la facture de chauffage des ménages.

Alors que l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui se fait tous les jours plus pressante, vient d’être rappelée par le rapport spécial du GIEC sur l’augmentation des températures de +1,5°, The Shift Project recommande dans cette note de réorienter le CITE exclusivement vers les solutions renouvelables.

[EDIT : le gouvernement a fait entrer, par un amendement du 12 novembre au Projet de Loi de Finances 2019, les frais de pose des pompes à chaleur dans le périmètre du CITE, comme le recommandait The Shift Project. Reste à retirer de ce périmètre les chaudières gaz, à y intégrer davantage de solutions renouvelables et à augmenter le niveau du soutien aux solutions renouvelables. Le PLF voté le 20 décembre par l’Assemblée nationale comprend également un resserrement des conditions de financement des chaudières gaz par le CITE : plafond à 1000 ou 1200€ et mention de chaudières à « très haute performance énergétique » à la place de « haute performance énergétique ».]

La France subventionne encore le recours aux énergies fossiles

Les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment sont 22,7 % plus élevées que le budget alloué par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Un effort urgent et vigoureux s’impose. A défaut d’action, la même déconvenue est à redouter sur le budget carbone 2019-2023. L’ambition carbone de la France est forte et claire, mais les incitations publiques ne sont pas alignées.

En particulier, le recours aux énergies fossiles est encore subventionné – et notamment à travers le Crédit d’impôts transition énergétique (CITE). Le CITE est l’un des instruments qui peuvent être mieux orientés dans ce but. Le parlement français doit se saisir de l’occasion d’agir qu’il a à travers le Projet de Loi de Finance (PLF) 2019, en soutenant davantage la performance climatique de la rénovation des bâtiments en orientant le CITE uniquement vers les solutions de chauffage renouvelables.

Un effet de « ciseau fiscal », qui touche le plus durement les ménages les plus modestes

La politique de l’État français en matière de de performance énergétique et climatique des bâtiments existants est aujourd’hui paradoxale et aboutit à un effet de « ciseau fiscal » qui touche le plus durement les ménages les plus modestes. Les ménages sont en effet coincés entre d’une part une politique d’efficacité énergétique d’aide aux équipements de chauffage fossiles au fioul et au gaz (directement via le CITE, indirectement via les CEE…), et d’autre part une politique climatique de fiscalité carbone qui décourage la consommation des mêmes combustibles fossiles.

En effet, si les chaudières au fioul sont progressivement exclues du CITE, les chaudières au gaz sont encore subventionnées à hauteur de 30% du montant du matériel (subvention qui pourrait, nous le regrettons, être accrue via le dispositif « coup de pouce » rattaché aux Certificats d’Économie d’Énergie).

Cela contribue à la hausse des émissions de gaz à effet de serre qui conduira à terme le pays à accroître le poids de la composante carbone et à une hausse intenable politiquement de la facture de chauffage des ménages. Comme le note la Cour des comptes, en pratique, l’absence d’offre alternative à la chaudière haute performance énergétique en matière de chaudières fossiles conduit le CITE sur les chaudières gaz à haute performance à constituer un effet d’aubaine, bien plus qu’une incitation à la transition énergétique. Il s’agit donc d’une dépense publique d’environ 200 millions d’euros dont l’efficacité environnementale est négative, et l’efficacité économique nulle.

Comment soutenir davantage le chauffage renouvelable ? Inclure les frais d’installation des pompes à chaleur dans le CITE, en plus des frais d’équipements

Aider les ménages à installer des solutions de chauffage renouvelables nécessite d’abord de soutenir davantage l’installation de pompes à chaleur (PAC). The Shift Project recommande en premier lieu d’inclure les frais d’installation, en plus des frais d’équipement, dans le périmètre du CITE, ce qui revient à près de 100 millions d’euros de dépense supplémentaires, qui encourageront le développement des PAC.

Il est aussi possible, moyennant un surcroît de dépense de l’ordre de 400 millions d’euros, d’inclure dans le dispositif du CITE les PAC air/air (aujourd’hui exclues). Celles-ci qui en plus du chauffage, peuvent servir de léger climatiseur. Avec 200 millions d’euros de dépense économisées par l’arrêt du soutien aux chaudières au gaz naturel d’une part, et 100 millions supplémentaires d’aide à l’installation des solutions de chauffage renouvelables d’autre part, l’enveloppe globale du CITE serait réduite de 100 millions d’euros. En ajoutant 400 millions d’euros en faveur des PAC air/air, l’enveloppe globale du CITE augmenterait de 300 millions d’euros, sachant que celle-ci a été réduite d’environ 600 millions d’euros, passant de 1400-1600 millions à potentiellement 800 millions l’an prochain.

Réorienter le CITE, c’est d’abord mettre fin au soutien aux chaudières gaz et soutenir davantage le chauffage renouvelable

Le financement des chaudières gaz, qui revient à subventionner une énergie fossile, doit prendre fin aussi tôt que possible afin de ne plus accroître le nombre de ménages français dépendants d’une énergie fossile. The Shift Project recommande donc de réorienter le CITE exclusivement vers les solutions renouvelables en termes de chauffage dès 2019, c’est-à-dire soutenir davantage les pompes à chaleur et exclure entièrement les chaudières fossiles (fioul, gaz).

Plan de la note

I. Rappel : le contexte du PLF 2019

A. L’urgence du contexte climatique
B. Mettre fin aux aides aux énergies fossiles : directes et indirectes
C. Les objectifs de la France loin d’être atteints

II. Pourquoi mettre fin à la subvention des nouvelles chaudières gaz, même efficaces ?

A. Le financement des chaudières gaz génère un effet d’aubaine et empêche les solutions renouvelables
B. Subventionner les chaudières gaz en 2019, c’est grossir le nombre de ménages dépendants d’une énergie fossile pour 20 ans
C. Subventionner les chaudières gaz en 2019, c’est garantir la hausse continue des dépenses publiques et du déficit commercial pour 20 ans
D. Subventionner les chaudières gaz en 2019, c’est garantir des émissions de gaz à effet de serre pour 20 ans
E. Le marché a besoin d’un signal clair pour passer à des modes de chauffage compatibles avec la neutralité carbone

III. Dès 2019, réorienter le CITE pour soutenir les solutions renouvelables

A. Supprimer le bénéfice du CITE pour les chaudières gaz au même titre que pour les chaudières fioul
B. Favoriser les solutions renouvelables à travers le CITE : le cas des pompes à chaleur

IV. Commentaires pour 2020

V. Propositions d’amendement au PLF 2019

Contact : Jean-Noël Geist, Chargé des affaires publique
jean-noel.geist@theshiftproject.org | 06 95 10 81 91


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