Efficacité énergétique et emprunts immobiliers

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Nous vous proposons dans l’article suivant la traduction du résumé pour décideurs d’une étude de l’organisme d’analyse financière américain UNC Center for Community Capital consacrée à la question de la prise en compte de l’efficacité énergétique des bâtiments lors de l’octroi de prêts immobiliers. Une étude qui fait écho aux travaux conduits par The Shift Project sur le même sujet parus au début de l’année.

 

La version originale (en anglais) de ce texte est disponible à cette adresse.

L’étude du Shift Project sur le thème de l’efficacité énergétique des logements en rapport avec les crédits immobiliers est disponible ici.

Efficacité énergétique des maisons et risques des emprunts immobiliers

Recherche financée par l’Institute for Market Transformations.

Ces dernières années, l’efficacité énergétique de l’habitat est passée du stade marginal au stade de courant dominant. Les petits et grands constructeurs édifient désormais des maisons aux niveaux de performance énergétique toujours plus élevés. De plus en plus, les projets de rénovation de logements incluent des améliorations de la performance énergétique. Plus important, la connaissance et l’acceptabilité des consommateurs vis-à-vis de ces enjeux sont élevées. Les consommateurs comprennent que l’efficacité énergétique se rentabilise sur la durée de vie du bâtiment grâce aux économies de chauffage et de climatisation.

Malgré ces tendances, le marché n’a pas encore atteint son plein régime. Les obstacles au financement empêchent de nombreux propriétaires de maisons, au revenu moyen ou modeste, de bénéficier pleinement de l’efficacité énergétique. Un moyen important de favoriser une plus grande adoption de mesures d’efficacité énergétique dans le résidentiel est de tenir compte des économies réalisées grâce à l’efficacité énergétique dans le prix de l’emprunt immobilier, ou dans la souplesse de sa souscription. Les prêteurs et les investisseurs se sont montrés réticents à le faire, en partie parce qu’ils manquent de données fiables sur la performance des prêts sur lesquelles fonder les décisions de souscription.

Beaucoup ont estimé que les emprunts des maisons à haute efficacité énergétique devraient avoir des risques de défaillance inférieurs à ceux des maisons standards, car les premiers sont associés à une réduction des coûts de l’énergie, laissant plus d’argent au foyer pour effectuer le paiement du prêt. Cependant, peu d’études empiriques ont été menées sur le sujet en raison de la disponibilité restreinte des données.

Cette étude examine les données sur le rendement des prêts obtenus à partir de CoreLogic, la principale source de données utilisée par l’industrie des prêts. Pour évaluer si l’efficacité énergétique résidentielle est associée à des risques de défauts moindres, un échantillon national de 71,000 emprunts immobiliers de maisons particulières certifiées et non-certifiées ENERGY STAR a été soigneusement sélectionné, représentant les caractéristiques du prêt, ainsi que la composition des ménages et des quartiers concernés.

L’étude conclut que les risques de défaut sont en moyenne 32% plus bas pour les maisons à haute efficacité énergétique, avec un contrôle des autres déterminants de prêt. Ce résultat demeure solide, significatif, et cohérent à travers plusieurs spécifications du modèle. Un emprunteur dans une résidence ENERGY STAR à également 25% de chances en moins de rembourser, par anticipation, son emprunt immobilier. Dans les maisons certifiées ENERGY STAR, le risque de défaut est plus faible pour les maisons les plus efficaces en énergie. Les faibles risques associés à l’efficacité énergétique doivent être pris en considération lors de la souscription d’emprunts immobiliers.

Financer l’efficacité énergétique

Rendre les maisons efficaces en énergie nécessite souvent des coûts initiaux plus élevés, mais quelques mécanismes de financement peuvent aider à les compenser. Les investissements dans l’efficacité énergétique des résidences produisent souvent des taux de rendement bien au-dessus des taux d’intérêts d’autres opportunités d’investissement. Pourtant, les défaillances de marché, tels que les coûts de transaction et les asymétries d’informations, empêchent l’adoption rapide et généralisée de mesures d’efficacité énergétique. Pour réussir, les programmes d’efficacité énergétique du secteur public et du secteur privé, doivent surmonter ces obstacles.

Le « stock » de logements aux États-Unis est évalué à environ 14,5 mille milliards de dollars, selon la Federal Reserve. Même si 2% de cette somme étaient consacrés à l’amélioration de l’efficacité énergétique, cela exigerait des dépenses en capital avoisinant les 300 milliards de dollars. Ce montant dépasse tout financement que nous pourrions raisonnablement attendre du secteur public ou des fournisseurs d’énergie. Une variété de mécanismes de financement existent aujourd’hui, comme des prêts d’efficacité énergétique au niveau des États et  au niveau local, le refinancement sur facture, et les obligations PACE (Property Assessed Clean Energy – Maison Certifiée à Énergie Propre). Mais leur portée est bien en deçà de ce qui est nécessaire.

Le mécanisme le plus couramment utilisé est de loin l’emprunt direct. La plupart des améliorations énergétiques pour les maisons existantes peuvent être financées au moyen de prêts à la consommation, un prêt sur valeur domiciliaire garanti par le bien immobilier, ou un emprunt traditionnel ou spécialisé. Ce financement nécessite généralement que les consommateurs disposent de fonds propres conséquents dans leurs maisons existantes, les réserves financières pour payer les coûts supplémentaires ‘de leur poche’, ou un acompte plus important dans l’achat d’une maison. Pour de nombreux primo-accédants, et les emprunteurs à revenu modéré, qui n’ont pas ces ressources financières, des emprunts immobiliers dédiés à l’efficacité énergétique (EEM – Energy Efficient Mortgage) sont une solution. Ces prêts offrent aux prêteurs de la flexibilité dans le ratio dette-revenu et dans les conditions de souscription de manière à ce que les emprunteurs puissent bénéficier de prêts plus importants ou de taux d’intérêt moindres.

L’idée est que les EEM et autres produits financiers basés sur l’emprunt, présentent un certain nombre d’avantages en tant qu’outils spécifiques de financement de l’efficacité énergétique, car ils permettent aux consommateurs de financer l’efficacité énergétique à des taux de crédit immobilier, par opposition aux taux élevés des crédits à la consommation. Cependant, ces produits ont été peu adoptés par le marché à ce jour, principalement en raison de la complexité des transactions, du manque d’accompagnement des prêteurs, d’avantages restreints pour eux, et du manque d’information pour les consommateurs. Actuellement, peu de prêteurs les proposent, sauf pour des emprunts immobiliers émanant de la Federal Housing Administration (FHA) et de la Veterans Administration (VA), et ceci même dans les États ayant le plus grand nombre de maisons neuves ENERGY STAR.

La disponibilité limitée des EEM peut être due, en grande partie, au resserrement des règles du marché d’attribution des emprunts immobiliers, qui ne reconnaissent pas l’efficacité énergétique, ainsi que d’un manque d’informations sur leurs risques de défauts. Si, en effet, des emprunts immobiliers sur des maisons plus efficaces énergétiquement présentent des risques plus faibles que ceux sur des maisons moins efficaces, alors une politique de crédit juste mériterait des normes de souscription plus souples ou même des ajustements de prix au niveau des emprunts. En outre, avec des informations plus précises sur les risques, les prêteurs pourraient être en mesure de développer et d’adapter des produits immobiliers répondant mieux aux besoins des consommateurs et des investisseurs.

Implications politiques

Parce que les résultats sont cohérents entre les différents échantillons du modèle et le type de sous-échantillons, nous pouvons tirer un certain nombre de recommandations pour les politiques et les pratiques de prêt.

Tout d’abord, les prêteurs pourraient vouloir exiger des renseignements sur les coûts de l’énergie et encourager un audit énergétique ou un certificat énergétique au cours du processus de souscription d’un emprunt immobilier. De la même manière que les évaluations permettent de calculer la valeur de la maison, un certificat énergétique pourrait renseigner sur les autres caractéristiques importantes nécessaires au prêt, y compris le ratio dette-revenu. Utiliser les audits énergétiques dans le cadre de la souscription d’emprunts immobiliers aiderait les propriétaires à prendre des décisions éclairées sur les investissements en efficacité énergétique, et serait susceptible de promouvoir l’efficacité énergétique à long terme du parc de logements.

Deuxièmement, les prêteurs et les investisseurs sur le marché secondaire, devraient prendre en compte l’efficacité énergétique de la maison utilisée comme garantie pour le prêt dans une décision de souscription. Par exemple, ils peuvent permettre un ratio dette-revenu plus élevé et une valeur immobilière plus élevée pour compenser la modeste augmentation de l’amélioration du coût de l’efficacité énergétique. Ceci et des approches similaires permettraient aux emprunteurs d’obtenir une plus grande flexibilité de souscription, nécessaire pour couvrir le modeste coût supplémentaire des caractéristiques d’efficacité énergétique et pour accroître l’accessibilité à de nombreux emprunteurs à revenu moyen ou modéré.

En résumé, les résultats démontrent que l’efficacité énergétique et le degré d’efficacité énergétique importent. Les risques plus faibles associés à l’efficacité énergétique doivent être pris en considération dans l’écriture des risques lors de la souscription de l’emprunt immobilier. Les principaux acteurs du marché, telles que la FHA, Freddie Mac et Fannie Mae, pourraient incorporer de la flexibilité lors de la souscription d’emprunts immobiliers sur des maisons à haute efficacité énergétiques, et promouvoir également l’efficacité énergétique pour les consommateurs en s’accordant avec leurs partenaires prêteurs. Enfin, le Congrès devrait examiner les conclusions de ses délibérations au regard de la législation actuelle et proposer des lois pour améliorer les conditions de souscription de l’emprunt par les agences d’emprunts fédérales, en s’assurant que les coûts énergétiques soient pris en compte lors du processus.

 

Résumé traduit par Yoann Rouillac 


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